Dokument-Nr. 1988

Smal-Stocki, Roman von: Memorandum du Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine. [Kiew], vor dem 23. März 1922

Le Conseil Suprême a décidé, le 6 janvier à Cannes, de convoquer une conférence économique européenne avec le concours des membres du Gouvernement Soviétique de Moscou, pour la régénération de l'Est européen.
Le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine salue chaleureusement la décision des Puissance de l'Europe Occidentale de rendre leur valeur aux principes du droit international et de restaurer l'ordre économique dans l'Est de l'Europe. Cependant il se réserve le droit de mettre en lumière l es pouvoi rs politiques et juridiques du Gouvernement des Soviets de Mosco u.
Les Soviets de Moscou tiennent leur pouvoir du coup d'Etat des bolchéviks, de 1917, qui a eu lieu, comme on le sait, sur le territoire moscovite (de la Grand-Russie) et selon lequel ils ont exclusivement le droit de parler et de négocier de ce territoire.
Cependant les problèmes économiques du territoire entier de l' Est eu r opéen doivent être étudiés à Gèn es et le problèm e principal est ce lui de la restauration de la production et de la consom m ation de sa partie la plus riche e t la plus important e, qui est l'Ukrain e; par conséquent, pour éclaircir la situation politique et juridique dans l'Est européen il faut établir ce qui suit:
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I.
Après la révolution de 1917, l'ancien Etat russe n'existe plus comme une unité politique: par la volonté de ses peuples il a été divisé en plusieurs Etats souverains : la Finlande, l'Esthonie, la Lettonie, la Lithuanie, la Pologne, l'Ukraine, la Géorgie et l'Arménie, qui se sont détachés de la Russie au moment où le pouvoir communiste s'est installé à Moscou.
En particuliers le territoire du sud et d u sud-est de l' ancienne
Russie (comprenant la Volhynie, la Podolie, les gouvernements de Kiev, Kherson, Tchernigov, Poltava, une partie de la Tauride et Katerinoslav, y compris le bassin du Donetz) constitue , d epuis octobre 1917 le territoire de l'Etat ukrainien indépendant; auprès du Gouvernement de cet Etat avait été accrédités, en 1918, le représentant français, le général Tabuis, ainsi que le représentant anglais, Mr. Picton Bagge, et dont l'indépendance a été reconnue"de jure" non seulement à la conclusion de la paix de Brest-Litowsk, mais aussi par nombre d'Etats, entre autres le Gouvernement Soviétique de Moscou.
Depuis 1919 l 'Ukraine est en guerre contre le Gouvernement communiste de Moscou, lequel a réussi à occuper, après le traité de Riga, avec ses troupes la plupart des villes et des lignes de chemin de fer sur le territoire de l'Etat ukrainien, et à installer à l'abri de ces troupes, pour "administrer" le pays, un pouvoir d'occupation, qui a introduit une véritable terreur. Le chef de ce pouvoir administratif est un monsieur Rakowski, qui n'a été élu, ni confirmé dans ses fonctions par aucune réunion parlementaire ukrainienne quelconque, et cependant les Soviets russes l'introduisent toujours auprès des Puissances européennes (comme
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de son temps Mr. Chakhray à Brest-Litowsk) comme un mandataire, pour représenter l'Ukraine Soviétique.
Par contre, le Chef suprême de la République Démocratique d'Ùkraine, Mr. Petlura, auquel le hetman Skoropadski a formellement remis, avant sa chute, le pouvoir de l'Etat ukrainien, a été élu aux fonctions du Président du Directoire de la République Démocratique d'Ukraine, par le Congrès des Ouvriers et des Paysans réuni en janvier 1919 sur la base du suffrage universelle. Mais comme, ni lui, ni l'armée nationale ukrainienne, dans leur longue lutte contre les bolchéviks, n'ont point obtenu de secours de l'étranger, il a été forcé de se retirer devant l'armée communiste russe, supérieurs en nombre, et de se refugier avec le Gouvernement ukrainienne temporairement sur le territoire d'un des Etats voisins, à l'exception toutefois du corps de volontaires, qui, avec les insurgés ukrainiens, continuent de se battre contre les bolchéviks en Ukraine. Par suite de cela les villes ukrainiennes et les chemins de fer sont tombés dans les mains des bolchéviks. Cependant il n'y a rien de changé car l'Otaman en chef, Mr. Petlura, Chef Suprême de la République Démocratique d'Ukraine et son Gouvernement seuls possèdent les pouvoirs pour représenter l'Etat ukrainien.
Le peuple ukrainien n'a jamais reconnu le gouvernement d'occupation de bolchéviks, imposé à lui par la force armée, et depuis 3 ans déjà, au cours d'insurrections sans relâche, il lutte contre les usurpateurs bolchéviques. Le peuple ukrainien reconnaît le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine comme son seul Gouvernement légitime.
Ainsi tant au point de vue droit publique que du droit in-
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ternational, le soi-disant Gouvernement communiste d'Ukraine, et encore moins celui de Moscou, les deux n'étant pas reconnus par le peuple ukrainien, ne possèdent aucune base légitime de céder, aux cours de pourparlers internationaux, au nom de l'Ukraine, des droits à quiconque sur les territoires ukrainiens, soit de conclure des traités et contrats au nom du peuple ukrainien, soit de prendre des engagements qui tendent à exploiter l'Ukraine dans l'intérêt de la Russie moscovite.
Se basant sur son droit inc o ntestable de représenter l'Etat ukrainien, le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine déclare nuls et non avenus tous les traités, contrats et engagements qui pourraient être conclus ou pris par le Gouvernement bolchévique de Moscou ou par le soi-disant Gouvernement communiste ukrainien, concernant le territoire ukrainien, et que tous les privilèges accordés par les bolchéviks aux ressortissants étrangers sur le territoire de l'Ukraine, toutes les aliénations de biens ou de droits à ces dernier doivent être considérés comme privés de tout fondement légal et par conséquent non obligatoires pour l'Etat ukrainien.
Soit le peuple ukrainien, soit un Gouvernement régulier ukrainien ne donneront jamais leur consentement à ce que le Gouvernement communiste de Moscou, n'étant jamais reconnu par le pays, profitant de sa situation d'occupant de fait de l'Ukraine, dispose des richesses nationales de l'Ukraine.
Le peuple ukrainien continuera la lutte contre son ennemi nationale et so-
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cial, le Gouvernement bolchéviste de Moscou jusqu'à ce qu'il ait chassé les occupants de sa patrie. De même il combattra, l'arme en mains, tous ceux, qui d'accord avec le Gouvernement bolchéviste, viendront en Ukraine afin d'exploiter les richesses naturelles d'Ukraine sous la protection des baïonnettes de l'armée rouge.
II.
L'attitude que prend le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine en se réservant ses droits, mentionné à dessus, lui dictera son attitude à l'égard de la Conférence de Gènes et des conditions posées par le Conseil Suprême au Gouvernement de Moscou.
Selon la première clause de la résolution, formulée le 6 janvier à Cannes, chaque nation est libre de choisir "son système de gouvernement, de propriété et de vie économique."
Comme il ressort de tout ce qui a été dit, le Gouvernement Soviétique de Moscou, opprime le territoire de l'Ukraine par une occupation militaire et par le système communiste qui n'est pas accepté par la population, dont 95% sont des paysans, par conséquent opposés à ce système. Et ce dernier et introduit en Ukraine uniquement pour s'emparer des produits du sol, piller les récoltes, ruiner les fabriques, exporter les matières premières et les machines. Ce système est surtout caractérisé par d'incessantes persécutions, arrestations, procédés de justice arbitraires, enfin une extermination sauvage de la population entière qui, par ses révoltes sans relâche, démontrent au monde entier qu'elle n'acceptera jamais le régime politique et économique imposé par les bolchéviks et qui fait apparaître aussi en Ukraine les signes précurseurs de la famine.
Il est incontestable que le Gouvernement Soviétique de Moscou a violé le
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droit international en attaquant à mains armées les territoires de la République Démocratique d'Ukraine, ce qui du reste n'est qu'une répétition du même acte de violence envers les républiques du Caucase, dont l'indépendance a été solennellement reconnue par le même Gouvernement Soviétique peu de temps avant, (Pour ce qui concerne l'Ukraine voir p.p. 14 et 15 du document 88 du 20 novembre 1920 de la Ligue de Nations.)
La seconde clause établit les garanties que doivent obtenir les ressortissants étrangers pour leurs capitaux à l'Est européen; dans la quatrième il s'agit du commerce.
Il est évident que, par suite de l' occupation bolchéviste en Ukraine, il ne peut y être question de telles garanties ni du commerce. L'Ukraine dans tout son étendue n'est qu'un champ de bataille pour les insurgés qui considèrent comme leurs ennemis non seulement les agents Soviétiques, mais également tous ceux ressortissants étrangers qui entrent en rapports économiques quelconques avec les bolchévistes.
La troisième clause traite de la reconnaissance des dettes et d'obligations publiques. Ceci donne au Gouvernement ukrainien l'occasion de rappeler que depuis le jour de sa
proclamation il a confirmé la reconnaissance de toutes les dettes de l'ancienne Russie dans la part qui correspond au territoire ukrainien.
Pour ce qui concerne les clauses 5 et 6, d'après lesquelles toute propagande hostile, ainsi que toute attaque contre les voisins sont défendus, l'Ukraine en particuliers, mais aussi la Géorgie et l'Arménie, sont autorisées à donner le témoignage que le Gouvernement de Moscou a
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violé ce principe et le fait constamment. En effet, non seulement ces pays sont tombés victimes sanglantes de l'occupation communiste, mais encore les bolchéviks font de ses pays une base d'opération pour la propagande et les préparations militaires d'une offensive contre toute l'Europe Occidentale.
Prenant en considération les conditions posées aux bolchéviks pour la Conférence de Gènes, le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine croit pouvoir douter que les Puissances européennes puissent avoir la possibilité de reconnaître le Gouvernement Soviétique de Moscou, vu que les S oviets ne cessent pas de violer les principes établis à Canne s, et en plus, contre tout droit international, l'Ukraine continue d'être occupée par la force militaire.
III.
Si les Puissances de l'Europe tendent sérieusement à l'aplanissement réel de la crise économique par voie de la restauration de la vie économique dans l'Est européen et si elles désirent obtenir des bolchéviks quelque chose d'autre que des promesses de garanties, d'ailleurs jamais tenues, il n'existe qu'une seul e condition p réliminaire aux pou r parlers avec les bolchéviks, condition qui est la conséquence des principes étab l is à Cannes : et c'est la condition impérieuse de retirer l'armée rou g e du terri t oir e de l' Etat ukrainien . Quand les Soviets auront remp l i cette conditio n (et le Gouver-
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nement de Moscou est à présent dans un état de contrainte qu'il sera forcé d'exécuter tout condition, posée à l'unanime par l'Europe Occidentale).
L e Gouvernement légal de la République Démocratique de l'Ukraine, soutenu par l'armée nationale ukrainienne pourra profiter de ses droits légitimes et reprendre dans ses mains le pouvoir dans le pays.
Dans ce cas le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine déclare qu ' il est prêt à agir conformément à la volonté des Puissanc es européennes pour faire tous les efforts afin de pacifier le pays et, avant tout, il a l'intenti on de convoquer la Constituante ; cette dernière aura pour but d'établir la forme légale du pouvoir et de former le Gouvernement. Le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine déclare ensuite que, possédant la confiance de la population ukrainienne, il est prêt à prendre vis-à-vis l'Europe Occidentale toutes les obligations indispensables pour que l'Etat ukrainien, selon les résolutions du Conseil Suprême du 6 janvier à Cannes, puisse devenir un collaborateur utile de tous les Etats civilisés dans leur travail pour la régénération de la vie économique de l'Europe.
Se rendant comte de la tâche difficile de la pacification du pays après la terreur bolchéviste, le Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine acceptera avec reconnaissance toute assistance provenant d'une collaboration internationale, soi t militaire, soit sous la forme de contingent de police.
IV.
Après avoir exposé dans la partie précédente la condition préliminaire principale de toute action pour le rétablissement de l'ordre et de la vie économique normal e sur le territoire de l'ancienne Russie, occupé pour le moment par le Gouvernement des Soviets, le Gouvernement de la République
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Démocratique d'Ukraine se croit obligé d'ajouter que la restauration de la vie économique normale dans l'Est européen ne peut être atteinte que par la collaboration de tous les peuple s qui habitent ces territoires et leurs représentants qui jouissent de la confiance entière de la population.
L'aide accordés par les Puissances de l'Europe à une seule nation de l'ancien Empire russe ne pout donner et ne donnera certainement par le succès qu'on attend. L'Esthonie, la Finlande, la Lettonie, la Lithuanie et la Pologne – ces parties de l'ancienne Russie à présent pacifiées – peuvent fournir la meilleure preuve de ce que seulement l 'idée nationale peut servir de po int de cristallisation pour une no uvelle vie économ i que à l' Est et d'immunité contre le communism e.
La seule voie pour la régénération de l'Est européen conduit à revers l'Ukraine indépendante et les républiques nationales du Caucase, et c'est: de former une large zone depuis la Finlande jusqu'au Caucase qui, en diminuant l'étendue de la plaie russe, contribuera finalement à sa guérison.
V.
Par conséquent, toute reconnaissance des Soviets, seuls et uniques coupables de la situation catastrophale sur le territoire de l'ancienne Russie, opprimé par eux, le droit de parler aussi du nom de l'Ukraine, place une grave responsabilité sur les Gouvernements qui, prenant part à cet acte de reconnaissance, encouragent la violation criminelle du droit, commise par le Gouvernement des Soviets. Loin de réaliser par se moyen les résolutions formulées le 6 janvier à Cannes, les Puissances de l'Europe contribueront à la stabilisation de l'état d'anarchie et de
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la guerre civile sur le territoire de l'Ukraine encore pour des longues années, ce qui rendra impossible toute restauration de la vie économique et condamne le pays à un état permanent de famine.
Et le peuple ukrainien sera justifié de garder jusque dans l'avenir le plus éloigné, la conviction que tous l e s peuples civilisé s du monde e ntie r l'ont abandonné dans sa lutte avec le système criminelle et inepte qu'est le bolchévisme et que, par leur étroite appréciation des intérêts communs dans l'ensemble de la vie économique du monde entier ils ont sou tenu la violation du droit et contr i bué à p rolonger l'existence de ce système condamnant à la mort des miliers et des miliers de citoyens pai sibles et t ravailleur s!
Empfohlene Zitierweise
Smal-Stocki, Roman von, Memorandum du Gouvernement de la République Démocratique d'Ukraine, [Kiew] vom vor dem 23. März 1922, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 1988, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/1988. Letzter Zugriff am: 29.04.2024.
Online seit 31.07.2013.