Dokument-Nr. 2837

Jonckx, Alphonse T. M.: [Kein Betreff]. Bad Salzuflen, 08. Februar 1919

"Crime ou folie". Sous ce titre, le journal l'Express, de Liège (N°. du 21 janvier 1919) publie une circulaire que le Procureur général à la Cour de Cassation de Belgique adresse aux parquets du Royaume, circulaire qui, d'après l'Express et les nouvelles que je reçois de Flandre, produit, dans tout le pays, une profonde impression. Crime ou folie? se demande le rédacteur en chef de l'Express M. Georges Masset, et parlant de l'auteur de la Circulaire, il écrit "a-t-il obéi à un accès de ignominieuse veulerie?"
Voici la pièce incriminée:
Parquet de la Cour
D'appel de Liège
Liège, le 16 novembre 1918
Monsieur le Procureur du Roi (1)
J'ai l'honneur de vous communiquer les instructions que je viens de recevoir de M. le Procureur général à la Cour de Cassation:
I Les tribunaux ne reprendront siège qu'au fur et à mesure de l'évacuation.
II Au moment opportun, et celui-ci dépendra de tout des parquets, lesquels se mettront en rapport avec M. le Gouverneur (de la province), on instaurera une police judiciaire intense:
a) Tout juge aura une délégation de juge d'instruction.
b) Tout juge de paix se considérera comme en matière de flagrant délit;
c) Tout individu qui sera un danger pour l'ordre et la sécurité public sera arrêté et détenu.
III Les gardes communales qui vont s'organiser partout seront les agents d'exécution.
IV Il faut de l'énergie (Salus populi suprema lex). Il ne faut naturellement pas abuser de l'arbitraire, mais il ne faut pas non plus compromettre la sécurité publique par un scrupule de légalité. La police judiciaire se trouve, à raison de circonstances, obligé de se gérer comme l'agent d'un pouvoir dictatorial.
V Il faut que les juges de paix reçoivent des instructions précises. C'est sur eux que repose l'ordre public à la campagne. Si l'on en a le temps, un décret-loi étendra leurs pouvoirs d'arrestation. Ce n'est pas le moment de considérer la peine ou la nature de l'infraction; il ne faut envisager que le fait et les conséquences au point de vue de l'ordre public.
Le Procureur général (à la Cour d'appel de Liège): (s) Léon Enoul.
(1): la circulaire du Procureur général à la Cour de Cassation, chef des parquets belges, est adressée aux Procureurs Généraux de nos 9 cours d'appel (Gand, Bruxelles, Liège) lesquels en communicant alors une copie aux procureurs du Roi de leur ressort. Cette circulaire n'est pas destinée à la publicité. Ce "par hasard" qu'une copie en est tombée entre les mains du journaliste.

28v
L'Express commente: il ne faut pas abuser de l'arbitraire; donc en user! –Par de scrupules de légalité!
L'organe de la loi, chargé de [sic] par les institutions du pays, de veiller à la stricte observation de la loi, qui prêche l'illégalité, là où les contingences, l'intérêt d'un gouvernement devenu inconstitutionnel, de son propre aveu, le "normal ordre publie" le réclament. Il ne peut y avoir d'ordre et de sécurité publics contre la loi! Mais l'arbitraire et l'illégalité est permise contre des citoyens constamment resté dans la légalité, les activistes. Car cous avez deviné, c'est contre le nationalisme flamand que les coupes sont portés. À la suite de ces instructions – qui d'un trait de plume supprime la loi sur la détention préventive et l'article de la Constitution belge qui défend toute arrestation contraire aux formes légales, – des milliers d'activistes ont été arrêtés. Nous lisions dans la "Gazette" de Bruxelles, que les prisons belges sont bondées, que les cellules faites pour un seul détenu contiennent toutes presque trois, quatre activistes!
Edmond Picard a-t-il raison d'appeler cela du "bolchevisme judiciaire".
Mais ces services (au lieu d'arrêt) rendu par nos cours ne parviennent pas à arrêter le mouvement nationaliste. Non seulement les flamands mais aussi les Wallons demandent la séparation politique. Je vous ai déjà dit que l'idée séparatiste eut sa première expression, quelques années avant la guerre, en Wallonie, par l'établissement d'une "assemblée Wallonne", dont le député socialiste Jules Destrée, était président.
L'O pinion Wallonne, de Paris, actuellement à Bruxelles, est le principal organe des Wallonisands. Cette feuille proteste contre l'exclusion des Wallons – des vrais Wallons – de la représentation belge au Congrès de Versailles. Car MM. Paul Hymans et Vanderwelde, quoique Wallons, tout considérés – et avec raison – comme les ennemis irréductibles des tendances nationalistes. Ils sont "belges" par opportunisme anticlérical ; il est, en effet, certain, que les prochaines élections, avec le système électoral imposé par les ministres socialistes, procurera à la Constituante "belge" une grande majorité anticatholique!
Logique jusqu'au bout, l'O pinion Wallonne en vient à défendre les revendications flamandes, notamment la flamandisation de l'université de Gand. La formule des Wallonisants est: Une Flandre, une Wallonie libres dans une Belgique indépendante. La forme de ce fédéralisme n'est pas jusqu'ores précisée par les Wallons. D'autre part le journal wallon activiste, de Liège "Le Peuple Wallon" était du coté Wallon, seul, à réclamer l'internationalisation de la "Question belge". Tous les activistes flamands sont, par contre, d'avis, que les questions de nation à nation sont internationales et ils s'appuient sur les XIV points de Wilson, pour exiger que la question flamande soit réglée par la Conférence de Versailles.
Le groupe socialiste anversais, qui a pour chef, Camille Huysmans, poursuit aussi l'internationalisation de la Question Flamande ; mais, vous savez, que Camille Huysmans et des adhérents socialistes, par opportunisme anticatholique, ne veulent, pour la Flandre, que l'autonomie culturelle!
Le Dr. Cervagne, député socialiste d'Anvers, directeur – pendant la guerre – de l'Office Belge, à la Haye – patriotard écroulé (quoique socialiste!), a donné
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sa démission de membre du Comité fédéral socialiste d'Anvers, parce que le Comité, dans lequel siègeraient des activistes (?) – écrit Cervagne – a adapté l'internationalisation de la Question flamande.
Ci-inclus le texte d'un télégramme adressé par le Comité flamand à la Haye au Président Wilson: Comme la question tchéco-slovaque, yougoslave, oukraienne, finnoise, irlandaise, etc. la question flamande doit être tranchée à la Conférence de la Paix. Un mémorandum suit, dit le télégramme. Déjà le passiviste flamand, député Dr. Van Camverlaert, tout en restant partisan de l'opinion que la question flamande est purement "intérieure" et doit être résolue par le Parlement belge seulement, avait-il adressé un mémoire en faveur de la Question flamande au gouvernement britannique. Je tacherai de vous procurer ce factum.
Et le peuple flamand, que pense-t-il lui-même de tout cela?
Il est terrorisé par les fransquillons, soutenus par les baïonnettes françaises et anglaises, qui occupent notre malheureux pays. Cependant on n'oserait pas consulter officiellement le peuple flamand, car on sait d'avance, qu'il se proclamerait en faveur de l'autonomie, de la restauration de l'ancienne souveraineté du ci-devant Comité et pays flamands.
Dans une interview accordée à l'Indépendance belge, M. Joseph-E. Neve, administrateur délégué du Crédit maritime et fluvial de Belgique, qui appartient à une de ces familles gantoises nobilisantes et fransquillonnes, genre Vanden Heuvel, exprime carrément l'avis qu'il ne faut pas appeler le peuple flamand à ce prononcer sur la question flamande. "Les activistes ont pu, pendant quatre ans, grâce à la censure allemande étant les seuls qui pouvaient parler, empoisonner l'esprit public." Peut-on avouer mieux que le peuple flamand est complètement gagné à l'activisme? On veux étouffer la voix de la Flandre et poser son peuple devant le fait accompli que sera l'Acte finale de la Conférence de Versailles… Pour s'assurer du silence du peuple flamand, il faut perpétuer la présence d'une armée étrangère d'occupation. Pour le peuple flamand l'occupation, depuis l'armistice, n'a fait que changer d'uniforme. L'occupation franco-anglaise autant que l'allemande est détestée. Les socialistes qui sont actuellement au pouvoir osent le dire. Havas-Reuter annonce de Bruxelles, 5 février : "À la chambre belge, le socialiste Hubin considéra l'occupation de la Belgique par l'Angleterre comme un scandale. Elle serait un obstacle au relèvement économique du pays. Il veut que les paroles soient entendues à Paris (au Congrès), car cette occupation est suspecte: La population trouve qu'elle a seulement changé des maitres…" La chambre – telle qu'elle est composée – son mandat est expiré depuis longtemps – elle ne représente plus que sa propre exophilie – a violemment protesté contre ce qu'elle a appelé une injure à la grande, la noble, etc. nation anglaise, etc. etc. Mais la protestation de ce monde officiel au service de l'étranger ne trouve pas d'écho dans le peuple, dans la vraie nation flamande, vraie "belge".
29v

Le peuple, par sa presse clandestine et même publique, exprime sa colère contre eux qui persécutent les meilleurs et les plus purs de ses fils, tandis qu'une justice partiale ferme les yeux sur ceux-là qui réellement ont "travaillé" avec l'ennemi et se sont envidées de leur collaboration avec le "boche". "Ons Vaderland", organe de la Vlaamsche Frontpartij (13 janvier) reproduit un article d'un hebdomadaire passivo-flamand, mais qui, par la force de la logique, évolue chaque semaine vers l'activisme le plus radical – de Witte Kaproen – article dans lequel ce dernier demande de poursuivre contre les membres d'une certaine famille gantoise opulente (le comte Jean de Hemptinne, frère de feu l'Archi-abbé (note du soussigné) qui durant l'occupation était très ami avec Herr Schröder, de l'administration allemande, recevait de celui-ci des très importants monopoles, et fiançait une des ses filles au dit Herr Schröder. L'article du "Witte Kaproen" est très transparent… Tout Gand y reconnait les personnages ci-dessus dits. La feuille demande: "Combien de millions aurait gagné de cette façon cette famille fransquillonne?"
Cependant toute la presse francophile continue à pousser des hurlements infernaux contre les misérables activistes, tous pauvres, et dans le ministère public, dans ses inquisitoires mêmes – comme pour Robert de Walle – doit reconnaitre la parfaite honorabilité et l'entier désintéressement. Mais leur crime – attenter à la domination fransquillonne! – est immense, impardonnable, et leur châtiment par sa savante mise en scène, est un dérivatif – croit-on – de l'opinion publique à l'égard des "Commerces de guerre" exercés par des amis de la grande patrie, la Frrrance! [sic]
Domine, salvum fac populum flandensen !
Avec profond respect
Jonckx
Empfohlene Zitierweise
Jonckx, Alphonse T.M., [Kein Betreff], Bad Salzuflen vom 08. Februar 1919, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 2837, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/2837. Letzter Zugriff am: 05.05.2024.
Online seit 04.06.2012.