Dokument-Nr. 4358

Jonckx, Alphonse T. M.: [Kein Betreff]. Bad Salzuflen, 08. Januar 1919

16r
L'évêque de Liège, S. G. Mgr. Rutten, adopte le même programme que les activistes. Seulement il reproche à ces derniers d'avoir manqué de confiance dans les gouvernants belges. Les activistes, remarque S. G., ont en recours aux moyens révolutionnaires. C'était prématuré; ils auraient du attendre le retour du Roi, pour poser leurs conditions, et, seulement en cas de déni de Justice de la part du gouvernement rapatrié, songer à sortir de la légalité. C'est le point de vue des Flamands passivistes, représenté par le député catholique d'Anvers, M. Fr. Camvelaert, ancien professeur de Fribourg (Suisse). Ces idées sont développées dans l'allocution synodale tenue par Mgr. Rutten aux prêtres de son Diocèse, en avril 1918. De Standaard, le grand quotidien flamand de Bruxelles, – rédacteur en chef, M. Van Camvelaert – reproduit (14 Décembre 1918) le principal passage de cette allocution. Le Standaard rappelle qu'à la réouverture des classes – Octobre 1918 – Mgr. Rutten a pris une mesure, aux termes de laquelle les collèges épiscopaux, situées dans la partie flamande du Diocèse di Liège (province de Limbourg et quelques paroisses du nord de la province de Liège) sont flamandisés. Dans les classes préparatoires et jusqu'en sixième, les leçons sont données exclusivement en flamand. Chaque année qui suit, une classe supérieure (la 5ème, 4ème, etc.) sera également flamandisées, de façon qu'après six ans tout l'enseignement secondaire catholique sera complètement flamand dans la moitié flamande du Diocèse de Liège. Je peux assurer que des mesures semblables sont à l'étude dans les Diocèses de Bruges et de Gand qui sont totalement flamands. Ces réformes furent introduites après que notre Raad van Vlandeeren eût légiféré dans le même sens, pour ce qui concerne l'enseignement officiel en Flandre. Mgr. de Liège n'a donc pas attendu le retour du souverain légitime, pour être "un homme d'action", comme l‘appelle le Standaard.
Je traduis ici littéralement la partie essentielle de l'allocution synodale susdite.
"A peine les Allemands eussent-ils occupé le pays, qu'ils tentaient de réveiller l'émulation entre Flamands et Wallons et d'apporter dans leurs relations la discorde et l'aigreur. D'après eux, la Belgique devrait être séparée en deux, parce qu'elle groupe deux races différentes. Ils montraient tout à coup une prédilection pour
16v
les Flamands, qu'ils appelaient leurs frères d'après l'origine. Cela ne les empêchait pas de le tuer et de les ruiner, tout comme les Wallons; mais après le premier moment de mauvaise humeur, ils montraient un vif intérêt pour les griefs linguistiques du peuple flamand. Ils voulaient faire droit, disaient-ils, à leurs justes exigences, qui trop longtemps étaient méconnues."
Malheureusement leurs avances rencontraient un bon accueil chez quelques esprits mécontents, lésés et fanatiques, et ainsi surgit un nouveau parti, celui des "activistes". Il adopte comme principe, qu'il serait insensé, de refuser de l'occupant des réformes, dont la nécessité était établie, mais que jusqu'ores avaient été en vain demandées aux gouvernements belges. Les Allemands instituèrent l'Université flamande à Gand, rendaient l'usage de la langue néerlandaise obligatoire dans les rapports administratifs des provinces flamandes, faisaient observer très strictement dans la partie flamande du pays les prescriptions de la loi sur l'enseignement moyen et primaire, etc.
Toutes ces réformes étaient bonnes en elles-mêmes (le Standaard souligne), mais elles ne pouvaient venir de l'ennemi. Le patriotisme et la sagesse politique exigeaient d'attendre jusqu'à la paix, et de laisser aux pouvoirs légaux et constitutionnels le temps et le mérite de rétablir enfin l'égalité entre les Belges à l'égard des langues. En outre plusieurs de ces réformes étaient déjà projetées avant la guerre, et le gouvernement fit de promesses pour l'avenir. Ces projets et ces promesses avaient cependant le désavantage sérieux d'arriver tard, trop tard pour quelques têtes montées.
Il arriva que la patrie fut déclinée en deux pour préparer en Belgique ce qui venait de se consommer en Russie, c'est-à-dire la constitution des deux États autonomes, dont au moins un seul, la Flandre, se trouverait sous la protection ou plutôt le joug de l'Allemagne. Ainsi les activistes arrivaient-ils à la révolte ouverte contre l'autorité de leur pays; leur conduite n'était rien moins qu'un complot avec l'ennemi, pour morceler la Belgique et sacrifier son indépendance.
Le peuple flamand comprit instinctivement la tendance antipatriotique du mouvement activiste, et l'écarta avec mépris. Toutes les tentatives d'une propagande effrénée échouèrent contre son bon sens et son attachement à la cause nationale. Le danger existe néanmoins, et si les promesses faites par l'autorité légitime n'étaient pas tenues, les suites les plus sérieuses servaient à craindre. Celles-ci retomberaie nt de tout leur poids sur les au teurs de pareil dé ni de justice.
Les activistes, Flamands comme Wallons, menaçaient la patrie belge d'une vraie destruction. Ils sont devenus de véritables révolutionnaires. Et
17r
ce qui plus est, l'activisme flamand occasionne le plus grand mal à la cause qu'il prétend servir, en faisant retomber sur elle et sur les flamingants, qui la défendent par des moyens légitimes et légaux, tout l'odieux de sa scandaleuse collaboration avec l'ennemi et ses pratiques antipatriotiques. Leurs adversaires ne manqueront pas d'user de cette arme contre eux. D'autre part, le grand journal hollandais de Nieuwe Courant, annonça (2 janvier 1919) que dans une réunion publique à Anvers, M. van Camvelaert a déclaré que l'activisme n'avait pas nui au mouvement flamand. Quoiqu'il en soit, autant que nous devons combattre les extravagances de l'activisme, autant nous devons approuver et soutenir les justes revendications des flamingants, c'est-à-dire des vrais amis et défenseurs du peuple flamand."
Voilà l'allocution de Mgr. Rutten en plein synode diocésain.
Nous remarquons le ton méfiant de S. G. l'évêque de Liège à l'adresse des promesses flamandophiles des gouvernements belges. Le prélat, avec sa grande autorité morale – elle est immense dans le monde officiel belge – ne craint pas de menacer nos dirigeants, en cas de déni de justice.
Ces paroles furent prononcées en avril 1918. C'était l'époque où les fransquillons surpris des démonstrations colossales de l'activisme à Gand, Anvers, Bruxelles, etc., essayaient d'organiser des contremanifestations. Le Limbourg, quoique foncièrement flamingant, restait tranquille, réservé. Mais cette partie du diocèse de Liège connut elle aussi, depuis avril, toute l'exubération du mouvement nationaliste. Même les séminaristes de Mgr. Rutten prirent part aux cortèges activistes. Ils ne furent pas inquiétés de leur évêque!
Actuellement les fransquillons abusent de la présence de troupes françaises en Flandre, pour manifester leur attachement à la "Grande Patrie", et terroriser, à l'ombre des baïonnettes étrangères, les populations flamandes. À Gand seul, trois cents activistes en vue sont incarcérés; trois mille autres sont l'objet d'informations pénales. La presse belge d'expression française menace le gouvernement, s'il n'ordonne la réouverture de l'Université de Gand avec ses cours français. Mais les soldats de la "Vlaamsche Frontpartij" – 80% de l'armée belge –montent la garde autour de l'université flamandisée par nous; ils ne permettront pas sa refrancisation.
Le gouvernement de la "coalition nationale" (6 catholiques, 6 libéraux et socialistes) n'a plus l'entière confiance de cette même presse franco-belge catholique et libérale. On lui reproche déjà d'être effectivement aux moins des socialistes, dont il a dû adopter le programme électoral (suffrage universel, pur et simple des hommes, dès 21 ans, avec six mois de résidence), pour obtenir la collaboration de l'extrême-gauche. Pareille réforme ne peut se réaliser immédiatement, sans une violation textuelle de la Constitution belge. L'intérêt des partis bourgeois est de se tenir à la procédure constitutionnelle pour modifier les conditions de l'électorat. De cette façon la future Constituante, qui seule a compétence pour faire ces modifications, serait élue, aux termes de la Constitution
17v
en vigueur, par le suffrage majoritaire, évidemment favorable aux classes instruites et aisées, qui composent le gros des partis catholique et libéral. La Flandre libérale – restée maçonnique et bourgeoise – ne craint pas de rompre la "trêve des partis", en accusant les "patriotes" socialistes de viser, par leur démagogie électorale, à l'instauration de la république. M. le comte Waerte veut neutraliser les futurs succès électoraux des socialistes par l'introduction du suffrage féminin, qu'il espère favorable aux catholiques. L'ancien leader de la Droite a dit à la Chambre, non sans quelque malice, que la Constitution avait pour lui un peu plus de valeur qu'un "chiffon de papier" Le ministre sortant Helleputte dans une réunion des parlementaires catholiques, a traité la politique, préconisée dans le discours du trône de coup d'état. Les partis bourgeois dénoncent donc l'inconstitutionnalité de la politique électorale du nouveau gouvernement, parce qu'elle doit fatalement leur enlever le pouvoir et que la Constitution qui doit être élue sur le pied du projet ministériel serait en grande majorité socialiste. On craint qu'une pareille Constituante ne change la forme du gouvernement et n'élabore en droit électoral qui éternise le pouvoir dans les mains socialistes. Le formateur du nouveau cabinet a reconnu en pleines chambre que les projets de la Coalition, comme les arrêtés – lois pris au Havre, ne respectait pas la lettre de la Constitution, mais qu'il n'en pouvait autrement dans la situation actuelle du Royaume. Voilà l'inconstitutionnalité élevée à la hauteur d'un principe. Ce qui ne doit pas trop nous étonner en Belgique où le règne d'Albert s'est ouvert sous les auspices de la Constitution violée. Lors de l'avènement du présent Roi, j'ai exposé dans la Liberté, de Gand, que constitutionnellement, le prince Albert était déchu du trône. C'était la conséquence de l'incroyable incurie d'un ministère de la Justice, qu'avait négligé de soumettre à la signature de Léopold II le consentement gouvernemental du Roi au mariage de son héritier présomptif. Mon article fit quelque sensation; la grande presse européenne s'en occupa. M. le Ministre Beernaert, interviewée par un rédacteur du Soir, dit textuellement: "M. Jonckx a malheureusement raison; que voulez-vous?... C'est un [unlesbar] de plus à la Constitution."
Les autres [unlesbar] projetés sont la ruine du parti catholique actuel et récompensent singulièrement l'Église et ses quelques chefs de leur adolatrie de l'État belge, pendant la guerre. D'ailleurs "la trêve des partis" fut une folie malice anticléricale pour endormir les catholiques. L'avènement du ministère de la Coalition nationale n'empêche pas la presse maçonnique de reprendre sa lutte contre le nom catholique. La campagne est menée par l'Etoile belge. La commère bruxelloise raconte que le Saint Siège a aliéné son droit de collaborer à la restauration de la paix par la partialité brutale en faveur des puissances centrales. La feuille socialiste anversoise, De Volksgazet, rapporte avec une certaine satisfaction que, suivant l'Etoile – toujours elle! – le Vatican souhaite la défaite de la France présente, pour livrer ce pays à réaction royaliste. Je traduis du Vaderland, de La Haye (23 décembre 1918): "Une grande entreprise catholique. Il vient de se fonder une Compagnie belge d'assurances générales, au capital de quatre millions et demi, entièrement souscrits par des membres de la hiérarchie catholique. Le capital se compose de parts de mille francs souscrits par des ecclésiastiques, qui doivent se faire
18r
rembourser de leur effort, par le placement d'obligations de cent francs chacune. La Volksgazet socialiste appelle la nouvelle entreprise: la plus formidable machine électorale produite jusqu'ici par le parti clérical. La feuille se demande si le gouvernement de la coalition ne ferait pas bien de parer ce coup réactionnaire par la nationalisation des assurances.
"Le Matin libéral (Anvers) se montre aussi très inquiet. Le journal se plaint qu'aucune autre entreprise ne pourra disposer de tant et de si bons agents et menace de devenir un monopole des assurances, au profit de l'Eglise, dans le plat pays. La feuille se pose la question s'il ne peut être défendu aux prêtres, qui sont des fonctionnaires salariés par l'Etat, d'entreprendre des affaires pareilles."
Voilà pieusement exprimé le souhait de voir suspendre le traitement des ecclésiastiques.
Avec le plus profond respect
Jonckx
Empfohlene Zitierweise
Jonckx, Alphonse T.M., [Kein Betreff], Bad Salzuflen vom 08. Januar 1919, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 4358, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/4358. Letzter Zugriff am: 08.05.2024.
Online seit 04.06.2012.