Dokument-Nr. 8601

Middendorf, Arnold: Compte rendu sur les mesures prises par l'autorité allemande pour assurer le service religieux auprès des habitants du pays occupé de la France, 15. August 1917

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Brüssel, le 15 Août 1917.
Compte rendu sur les mesures prises par l'autorité allemande pour assurer le service religieux auprès des habitants du pays occupé de la France.
Onze évêchés du territoire français sont occupés soit en entier soit en partie par les troupes allemandes: ce sont les archevêchés de Reims et de Cambrai, les évêchés de Lille, Arras, Amiens, Beauvais, Soissons, Châlons-sur-Marne, Verdun, Nancy et de St. Dié. Dans les diocèses du pays occupé, où les évêques sont encore en fonctions, l'administration continue à être exercée par eux comme auparavant; c'est ainsi le cas pour l'archevêché de Cambrai et l'évêché de Lille. Pour les autres diocèses une ordonnance du maréchal de logis général du 20.10.15. Nr. 25544 a réglé et garanti l'exercice du culte d'après les besoins du moment. Les prêtres séparés de leurs évêques relèvent par ordre du Saint Siège de 1'évêque de Namur, dont l'activité cependant se restreint à accorder les pouvoirs nécessaires en ces temps de guerre et à faire parvenir des secours d'argent aux prêtres nécessiteux. La communication de l'évêque de Namur avec les prêtres français se fait par l'entremise de l'aumônier militaire général allemand à Bruxelles.
Pour assurer le service religieux dans les paroisses sans prêtres, l'ordonnance mentionnée ci-dessus faisait espérer le retour dans leurs paroisses d'un certain nombre de
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prêtres français transportés en des camps de prisonniers en Allemagne. Les prêtres, qu'on avait été obligé d'éloigner pour des motifs politiques, ne devaient évidemment pas bénéficier de cette permission de retour. Puis les curés des paroisses voisines devaient, en tant que des raisons militaires ne s'y opposassent, pouvoir exercer le saint ministère dans ces paroisses abandonnées. Enfin dans les paroisses, où toute autre possibilité était exclue, il serait permis aux aumôniers militaires allemands, de pourvoir aux besoins religieux de la population civile française.
Cette régularisation de la part du maréchal de logis général est en vigueur depuis à peu près 1 1/2 ans. Fin 1915 les pouvoirs devenus nécessaires par la longue durée de la guerre ont été spécifiés par l'évêque de Namur et envoyés par 1'aumônier militaire général à Bruxelles à tous les prêtres français subordonnés à l'évêque de Namur. Le 25. février 1916 les premiers secours en argent ont été envoyés. Pour pouvoir se faire une idée, comment les différents arrangements avaient fonctionné, un questionnaire détaillé fut envoyé, avec le consentement du maréchal de logis général, à tous les aumôniers militaires catholiques du front et du pays occupé français. Les réponses à ces questions donnent le tableau suivant:
I. Exercice du Saint Ministère.
Dans les paroisses, où les prêtres étaient restés, le saint ministère fut exercé par eux. Dans un certain nombre d'endroits il n'y a plus de prêtres. En partie, ils ont pris la fuite, en partie, ils ont été appelés
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au service militaire français, ou bien encore on avait été obligé de les éloigner pour des raisons politiques ou militaires. Mais les aumôniers militaires catholiques allemands faisaient leur possible pour que, somme toute, occasion fut donnée à toutes les personnes civiles de satisfaire leurs besoins religieux. Ce n'est qu'en des cas isolés que des secours religieux ne pouvaient être administrés.
Là où le curé du lieu manquait, le saint ministère fut exercé par des prêtres des paroisses voisines. Les prêtres évacués exerçaient également les fonctions pastorales. Un certain nombre de paroisses vacantes fut desservi par des prêtres retournés des camps de prisonniers en Allemagne. Les autorités militaires expédiaient des laissez -passer aux prêtres, qui avaient à desservir des paroisses voisines. Cependant par des raisons d'ordre militaire la circulation libre entre les différentes localités était parfois interdite.
Là où c'était nécessaire et le service le permettait, le saint ministère fut, avec le consentement des supérieurs militaires, aussi exercé auprès de la population civile française par des aumôniers militaires allemands, qui se bornaient d'ordinaire à dire la messe, à administrer les sacrements, surtout aux malades, et à faire les enterrements. Les gens venaient assez rarement à confesse. Par indifférence religieuse la population civile ne profitait pas, à beaucoup d'endroits, de l'occasion, qui lui était donnée d'assister à un office religieux ou de recevoir les saints sacrements. Ce fut principalement le cas dans le département de l'Aisne et en Champagne, où du reste une grande indifférence religieuse régnait déjà avant la guerre. Bien des fois aussi on se
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méfiait des aumôniers allemands, puisqu'ils portaient uniforme. Un grand nombre d'aumôniers néanmoins relèvent le fait, que la population civile française fréquentait régulièrement les services divins et se montrait excessivement reconnaissante tant pour des offices arrangés tout exprès pour elle, que pour la permission d'assister aux offices militaires, qui furent publiés aux habitants par les commandants de place. La gazette des Ardennes du 6. Mai 1917 écrit: "Les Civils n'ont jamais eu à se plaindre. Très vite Français et allemands ont trouvé un modus vivendi, père de la quiétude. A telle enseigne que le village ne possède qu'un seul prêtre, monsieur le professeur C….. Il est allemand et sous son égide civils et soldats travaillent de concert à leur salut éternel. N'est-ce pas d'un bel exemple?"
Ici l'évangile aux jours de fête fut lu en français, là les aumôniers allemands lisaient à l'église des sermons français et encore ailleurs ils prêchaient même en français. Tous ces offices étaient très bien fréquentés. Toutefois un aumônier relate aussi, que la population évitait de fréquenter ces offices, et un autre se plaint d'une fréquentation peu nombreuse. 17 aumôniers allemands ont donnés l'instruction religieuse aux enfants et leur ont fait faire la première Communion. L'évêque de Namur avait donné, avec le consentement des commandants d'armée respectifs, à 2 prêtres de chaque diocèse la faculté d'administrer le Sacrement de la Confirmation. L'archiprêtre Maréchal de Laon a fait usage de cette permission dans la ville de Laon même, mais pas en dehors. A Pagny et à St. Quentin les prêtres autorisés ont donné la Confirmation, une voiture militaire fut mise à la disposition de l'archiprêtre de Sedan, qui a confirmé en ville
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et à la campagne.
Partout où les instituteurs et les institutrices étaient restés, l'instruction fut donnée par eux. Là où ils manquaient, c'était ou bien le curé, ou bien 1'aumônier allemand ou bien d'autres personnes aptes qui donnaient l'instruction. L'instruction religieuse fut donnée par les curés français et à leur défaut par les aumôniers allemands, des religieuses ou d'autres personnes de confiance, en certains cas aussi par les instituteurs ou les institutrices laïques sous la surveillance de l'aumônier militaire. Dans les localités occupées par trop de soldats, les prêtres donnaient l'instruction religieuse et profane chez eux.
Avec le concours les aumôniers militaires les vases sacrés, les ornements, les objets d'art religieux et profane etc., furent, en tant qu'ils existaient encore, mis en sûreté dans des localités plus en arrière du front. Des dépôts centraux furent établis, les objets furent emballés avec soin dans des caisses et remis contre quittance à un prêtre français ou au maire d'une localité plus considérable dans l'étape, pour être rendus aux propriétaires légitimes après la guerre. Un grand nombre d'objets religieux fut d'abord transporté à St. Quentin, par après à Maubeuge, Vervins, Laon, Guise, Douai, Valenciennes, Cambrai, Carvins, Vouziers, Rethel, Courtrai, Bruges, Malines etc. Les prêtres français sont très reconnaissants au maréchal de logis général de la permission, de pouvoir se procurer, à leurs frais, du vin de messe et des hosties des aumôniers militaires allemands.
II. Subsides.
Puisque les prêtres français ne touchent plus
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aucun traitement depuis la loi de la séparation, ils ne pouvaient pas non plus être rémunérés des caisses publiques par l'autorité allemande. Les subsides touchés par les prêtres français du pays occupé, à l'exception des diocèses de Cambrai et de Lille, se composent de secours en argent purs et simples et d'intentions de messe. L'argent provient des évêques français et est remis par eux au secrétaire d'état du Pape, qui de son coté le fait parvenir à l'évêque de Namur. L'aumônier militaire général allemand à Bruxelles le reçoit de l'évêque de Namur et le distribue aux différents prêtres français par l'entremise des commandants en chef respectifs. Le paiement se fait en général par les aumôniers militaires. Ce sont généralement aussi les aumôniers militaires, qui remettent une liste des prêtres français nécessiteux, approuvée par le commandant en chef respectif, à l'aumônier général pour la distribution des subsides accordées – tous les prêtres proposés reçoivent les subsides.
Du 25. février 1916 au 1. octobre 1917 une somme totale de 640.173 marcs = 800.216 francs 25 centimes a été distribuée en six envois, chaque fois à 500 prêtres à peu près.
1. Envoi 66.820 marcs: chaque prêtre 130 marcs
2. Envoi 66.900 marcs: chaque prêtre 153 marcs
3. Envoi 86.453 marcs: chaque prêtre 175 marcs
4. Envoi 140.000 marcs: chaque prêtre 280 marcs
5. Envoi 120.000 marcs: chaque prêtre 240 marcs
6. Envoi 160.000 marcs: chaque prêtre 320 marcs
Chaque envoi était pour trois mois à peu près. Une grande pause entrait entre le 4. et le 5. envoi, puis que, par suite de l'offensive à la Somme et de l'évacu-
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ation d'un grand nombre de localité, les quittances ne rentraient pas. En général la distribution des subsides fait de grandes difficultés et exige des travaux étendus de l'aumônerie générale vu les changements continuels des armées, des prêtres français et des aumôniers militaires allemands.
Les subsides furent reçus avec beaucoup de reconnaissance de la part des prêtres français. L'un ou l'autre seulement refusait le secours, voulant partager les privations avec ses paroissiens, comme il disait. D'autres, mais en petit nombre, refusaient l'argent, craignant d'être obligés de le rembourser après la guerre, d'autres encore renonçaient puisqu'ils avaient assez à vivre. C'est ainsi que, abstraction faite des cas peu nombreux mentionnés toute à l'heure, les prêtres français du pays occupé ont pu, dans une large mesure, recevoir les secours matériels, qui leur étaient nécessaires.
Somme toute on peut-être satisfait du tableau que nous présentent ces quelques lignes. En résumé, grâce à la bienveillance de l'autorité militaire allemande l'administration des paroisses du pays occupé ne laissait pas trop à désirer ni sous le rapport spirituel, ni sous le rapport matériel. C'est la meilleure réponse au reproche de l'Entente, que cette guerre est une guerre de religion pour détruire le catholicisme. Maint curé français trouvait plus d'intelligence et plus de bienveillance pour les besoins religieux de ses paroissiens auprès du commandant allemand qu'auparavant auprès de son maire ou de son sous-préfet.
Mgr. Middendorf.
Aumônier en chef.
Empfohlene Zitierweise
Middendorf, Arnold, Compte rendu sur les mesures prises par l'autorité allemande pour assurer le service religieux auprès des habitants du pays occupé de la France vom 15. August 1917, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 8601, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/8601. Letzter Zugriff am: 27.04.2024.
Online seit 24.03.2010.