Dokument-Nr. 8610

Relative alla neutralità belga, vor dem 30. Dezember 1917

Les Documents de Bruxelles I.
Gazette de l'Allemagne du Nord du 13 octobre 1914.
L'originale tedesco è unito al fascicolo.
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Les propres déclarations de Sir Edward Grey ont déjà surabondamment démontré l'inanité de la prétention du Gouvernement anglais de donner pour motif à son intervention dans la guerre actuelle la violation de la neutralité belge par l'Allemagne. Le caractère empathique de l'indignation manifestée par les Anglais, à la nouvelle de l'entrée des troupes allemandes en Belgique, et exploitée auprès des neutres pour les indisposer contre l'Allemagne vient d'être mis en lumière d'une manière nouvelle inattendue, grâce à certains documents que les militaires allemands ont trouvés à Bruxelles dans les archives du grand état-major belge.
Le contenu d'un carton avec l'étiquette: "Intervention anglaise en Belgique", fournit la preuve que, dès l'année 1906, l'envoi d'un corps expéditionnaire anglais en Belgique était déjà projeté pour le cas d'une guerre franco-allemande. D'après une lettre en date du 10 avril 1906, adressée au Ministre de la guerre en Belgique, le chef d'état-major de l'armée belge, de concert avec l'Attaché militaire d'alors à Bruxelles, le lieutenant-colonel Barnardiston, et à l'instigation de celui-ci, a élaboré dans plusieurs entrevues un plan complet d'opérations en commun, contre l'Allemagne, d'un corps expéditionnaire anglais de 100.000 hommes avec l'armée belge. Ce plan fut approuvé par le chef d'état-major général de l'armée anglaise, à cette époque le général-major Grierson. L'état-major belge reçut alors tous les renseignements nécessaires sur les effectifs et les formations des corps de troupe anglais, sur la composition du corps expéditionnaire, sur les points de débarquement, ainsi qu'un horaire exact sur le transport, etc. Grâce à ces renseignements, l'état-major belge a pu préparer en détail le transport des troupes anglaises sur le territoire belge de concentration, leurs cantonnements et leur subsistance. La coopération a été ainsi combinée jusque dans ses moindres détails. Par exemple, un grand nombre d'interprètes et des gendarmes belges devaient être mis à la disposition des troupes anglaises, ainsi que toutes les cartes nécessaires. Le service sanitaire de blessés anglais n'avait non pas non plus été oublié.
Les points de débarquement prévus pour les troupes anglaises étaient Dunkerque, Calais et Boulogne. Leur transport de là aux points de concentration devait s'effectuer par les chemins de fer belges. Ce projet de débarquement dans les ports français et le passage par le territoire de la France prouvent que les conventions anglo-belges avaient été précédées d'une entente avec l'état-major général français. Les trois Puissances ont exactement établi les plans d'une coopération des "armées alliées", comme il est dit dans le document en question. Une autre preuve est fournie encore par la découverte, dans les pièces secrètes, d'une carte du déploiement de l'armée française.
Le document susmentionné contient quelques remarques qui ont un intérêt tout spécial. Ainsi, on apprend que le lieutenant-colonel Barnardiston avait fait observer que, pour le moment, on ne pouvait pas compter sur l'appui de la Hollande. En outre, il est dit dans ce même document que le lieutenant-colonel Barnardiston avait confié au chef de l'état-major belge que le Gouvernement anglais avait l'intention de choisir Anvers comme base du ravitaillement des troupes anglaises, dès qu'il n'y aurait plus à craindre une attaque de la flotte allemande dans la mer du Nord. L'attaché militaire anglais recommande enfin l'organisation d'un service d'espionnage belge dans la province rhénane.
Les documents militaires ainsi trouvés sont complétés par une autre trouvaille importante également faite dans les archives secrètes. Il s'agit d'un rapport du baron Greindl, Ministre de Belgique à Berlin, pendant de longues années, rapport adressé au Ministre belge des Affaires étrangères. Les arrière-pensées
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qui sont au fond des offres de l'Angleterre y sont dévoilées avec une perspicacité remarquable, et le baron Greindl insiste sur la situation regrettable dans laquelle une adhésion partiale aux Puissances de l'entente risque de placer la Belgique. Dans son rapport daté du 23 décembre 1911, rapport dont on se réserve la publication complète, le baron Greindl s'étonne que, dans le plan de l'état-major belge pour la défense de la neutralité belge en cas de guerre franco-allemande, on n'envisage uniquement que les mesures militaires à prendre en face d'une violation de cette neutralité par l'Allemagne. Or, l'hypothèse d'une agression française a pour le moins tout autant de vraisemblance.
Voici en quels termes s'exprime textuellement le Ministre belge à Berlin:
"Du côté français le danger n'existe pas seulement au sud du Luxembourg. Il nous menace sur toute l'étendue de la frontière commune. Pour l'affirmer, nous n'en sommes pas réduits au [sic] conjectures, nous avons des données positives.
L'idée d'un mouvement tournant par le nord est certainement entrée dans les combinaisons de l'entente cordiale. S'il en était autrement, le projet de fortifier Flessingue n'aurait pas soulevé de telles clameurs à Paris et à Londres. On n'y a pas fait mystère de la raison pour laquelle on voulait que l'Escaut restât sans défense. C'était dans le but d'avoir toute facilité pour amener une garnison anglaise à Anvers; donc le but de se procurer chez nous une base d'opération pour une offensive dans la direction du Bas-Rhin et de la Westphalie et de nous entrainer à la suite ce qui n'eut pas été difficile, nous étant dessaisis du réduit national, nous nous serions privés de notre propre mouvement de tout moyen de résister aux injonctions de protecteurs douteux que nous aurions eu l'imprudence d'y admettre. Les ouvertures à la fois perfides et naïves du colonel Barnardiston lors de la conclusion de l'entente cordiale nous ont clairement fait voir de quoi il s'agissait. Quand il a été évident que nous ne nous laisserions pas émouvoir par le prétendu danger de la fermeture de l'Escaut, le plan n'a pas été abandonné, mais modifié en ce sens que l'armée de secours anglaise ne serait pas débarquée sur la côte belge, mais dans les ports français les plus voisins; c'est ce dont témoignent les révélations du capitaine Faber qui n'ont pas été démenties, pas plus que ne l'ont été les informations des journaux qui les ont confirmées ou complétées sur certains points. Cette armée anglaise débarquée à Calais et à Dunkerque ne longerait pas notre frontière jusqu'à Longwy pour atteindre l'Allemagne. Elle entrerait tout de suite chez nous par le nord-ouest, ce qui lui donnerait l'avantage d'entrer immédiatement en action, de rencontrer l'armée belge si nous risquions une bataille, dans une région où nous ne pouvons nous appuyer sur aucune forteresse; de s'emparer de provinces riches en ressources de toute espèce; en tout cas d'entraver notre mobilisation ou de ne la permettre qu'après avoir obtenu de nous des engagements formels donnant l'assurance que cette mobilisation se fera au profit de l'Angleterre et de son alliée.
Il est absolument indispensable d'arrêter à l'avance le plan de campagne qui suivrait l'armée belge dans cette hypothèse; aussi bien dans l'intérêt de notre défense militaire que pour la direction de notre politique extérieure dans le cas où la guerre éclaterait entre l'Allemagne et la France."
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Ces explications, dues à une plume impartiale, fournissent la preuve flagrante que cette même Angleterre, actuellement gonflée dans son rôle prétendu de protectrice de la neutralité belge, a, en réalité, entrainé la Belgique à se décider en faveur des Puissances de l'entente, et a même songé, un moment, à violer la neutralité de la Hollande. On voit clairement en outre, qu'en prêtant une oreille complaisante aux insinuations anglaise, la Belgique a manqué gravement à son propre devoir de Puissance neutre. Ce devoir exigeait que le Gouvernement belge prévit également dans ses plans de défense l'éventualité d'une violation de la Belgique par la France et qu'il fit à cet égard avec l'Allemagne des conventions analogues à celles passées avec la France et l'Angleterre. Les documents trouvés confirment par des preuves écrites le fait connu dans les hautes sphères compétentes allemandes, longtemps déjà avant la guerre, de la connivence de la Belgique avec les Puissances de l'entente. Ils justifient largement notre offensive militaire et confirment les informations parvenues au commandement en chef de l'armée allemande sur les intentions des Français. Puissent-ils ouvrir les yeux au peuple belge, en lui montrant à qui il est redevable de l'effroyable catastrophe qui s'est abattue sur ce malheureux pays!
9. Les Documents de Bruxelles II.
Supplément de la Gazette de l'Allemagne du Nord du 25 novembre 1914.
A nos révélations sur les conventions militaires anglo-belges de 1906, révélations fournies par les archives du Ministère de la guerre de Belgique, le Gouvernement anglais s'est contenté d'une déclaration signifiant que le général-major Grierson, un des instigateurs de l'affaire, est mort depuis, et que le colonel Barnardiston est actuellement chef des troupes anglaises devant Kiautschou. Il serait d'ailleurs bien possible qu'une discussion académique ait eu lieu entre les deux officiers en question et les autorités militaires belges, sur la question de l'assistance que l'armée anglaise serait en état de prêter à la Belgique, au cas où la neutralité de celle-ci viendrait à être violée par ses voisins.
De son côté, le Gouvernement belge a voulu expliquer comme une chose toute naturelle que, pendant la crise d'Algésiras, l'attaché militaire anglais à Bruxelles ait demandé au chef d'état-major général belge quelles mesures étaient prévues pour empêcher une violation de la neutralité de la Belgique, neutralité garantie par l'Angleterre. Le chef d'état-major, général Ducarme, a répondu que la Belgique était en état de repousser une attaque, de quelque côté qu'elle se produisît. Et le Gouvernement belge ajoute à sa déclaration la remarque suivante: "L'entretien a-t-il dépassé ces limites, et le colonel Barnardiston a-t-il exposé le plan de campagne que l'état-major anglais désirait adopter pour le cas d'une violation de la neutralité belge? Nous nous permettons d'en douter." En exigeant la publication complète des documents trouvés dans les archives belges secrètes,
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le Gouvernement belge assure solennellement qu'il n'a provoqué ni directement, ni indirectement, sa coopération avec la Triple entente en cas de guerre franco-allemande.
Les déclarations ci-dessus impliquent d'ores et déjà la renonciation du Gouvernement anglais à toute contestation des faits établis par le Gouvernement Imperial. Tout s'est borné de sa part à une faible tentative pour en mitiger l'importance. Les preuves matérielles étant accablantes, le Gouvernement britannique aura sans doute reconnu l'inutilité et même le danger d'un désaveu. La découverte entre temps d'un service militaire anglo-belge de renseignements, et l'existence de cartes militaires de la Belgique dressées par l'état-major anglais, fournissent une preuve nouvelle du soin avec lequel le plan de campagne anglo-belge contre l'Allemagne a été préparé et mûri.
Nous reproduisons ici le fac-similé textuel d'un brouillon de rapport du général Ducarme au Ministre de la guerre belge, en date du 10 avril 1906. Il est difficile d'admettre que le Gouvernement belge n'en ait pas eu connaissance, car le baron Greindl, ministre de Belgique à Berlin, a fait expressément allusion à son contenu dans son rapport du 23 décembre 1911. Mais il peut se faire que le Gouvernement belge ait la mémoire courte. C'est pourquoi le texte du rapport suivant servira à dissiper ses doutes sur les entretiens du général Ducarme avec le lieutenant-colonel Barnardiston. Le rapport en question se trouvait au Ministère de la guerre belge, dans une enveloppe portant la suscription: "Conventions anglo-belges".
Lettre à M. le Ministre au sujet des entretiens confidentiels.
A. M. le Ministre de la guerre.
Bruxelles, le 10 avril 1906.
Confidentielle.
M. le Ministre,
J'ai l'honneur de vous rendre compte sommairement des entretiens que j'ai eus avec le lieutenant-colonel Barnardiston et qui on fait déjà l'objet de mes communications verbales.
La première visite date de la mi-janvier. M. Barnardiston me fit part des préoccupations de l'état-major de son pays relativement à la situation politique générale et aux éventualités de guerre du moment. Un envoi de troupes, d'un total de 100.000 hommes environ, était projeté pour le cas où la Belgique serait attaquée.
Le lieutenant-colonel m'ayant demandé comment cette action serait interprétée par nous, je lui répondis que, au point de vue militaire, elle ne pourrait qu'être favorable; mais que cette question d'intervention relevait également du pouvoir politique et que, dès lors, j'étais tenu d'en entretenir le Ministre de la guerre.
M. Barnardiston me répondit que son ministre à Bruxelles en parlerait à notre Ministre des Affaires étrangères.
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Il continua dans ce sens: Le débarquement des troupes anglaises se ferait sur la côte de France, vers Dunkerque et Calais, de façon à hâter le plus possible le mouvement. L'entrée des Anglais en Belgique ne se ferait qu'après la violation de notre neutralité par l'Allemagne. Le débarquement par Anvers demanderait beaucoup plus de temps, parce qu'il faudrait des transports plus considérables et, d'autre part, la sécurité serait moins complète.
Ceci admis, il resterait à régler divers autres points, savoir: les transports par chemin de fer, la question des réquisitions auxquelles l'armée anglaise pourrait avoir recours, la question du commandement supérieur des forces alliés.
Il s'informa si nos dispositions étaient suffisantes pour assurer la défense du pays durant la traversée et les transports des troupes anglaises, temps qu'il évaluait à une dizaine de jours.
Je répondis que les places de Namur et de Liège étaient à l'abri d'un coup de main et que, en 4 jours, notre armée de campagne, forte de 100.000 hommes, serait en état d'intervenir.
Après avoir exprimé toute sa satisfaction au sujet de mes déclarations, mon interlocuteur insista sur le fait que: 1° notre conversation était absolument confidentielle; 2° elle ne pouvait lier son gouvernement; 3° son ministre, l'état-major général anglais, lui et moi, étions seuls, en ce moment, dans la confidence; 4° il ignorait si mon Souverain avait été pressenti.
Dans un entretien subséquent, le lieutenant-colonel Barnardiston m'assura qu'il n'avait jamais reçu de confidences d'autres attachés militaires au sujet de notre armée. Il précisa ensuite les données numériques concernant les forces anglaises; nous pouvions compter que, en 12 ou 13 jours. Seraient débarqués: 2 corps d'armée, 4 brigades de cavalerie et 2 brigades d'infanterie montée.
Il me demanda d'examiner la question du transport de ces forces vers la partie du pays où elles seraient utiles et, dans ce but, il me promit la composition détaillée de débarquement.
Il revint sur la question des effectifs de notre armée de campagne en insistant pour qu'on ne fit pas de détachements de cette armée à Namur, puisque ces places étaient pourvues de garnisons suffisantes.
Il me demanda de fixer mon attention sur la nécessité de permettre à l'armée anglaise de bénéficier des avantages prévus par le Règlement sur les prestations militaires. Enfin, il insista sur la question du commandement suprême.
Je lui répondis que je ne pouvais rien dire quant à ce dernier point, et je lui promis un examen attentif des autres question [sic].
Plus tard, l'attaché militaire anglais confirma son estimation précédente: 12 jours seraient au moins indispensables pour faire le débarquement sur la côte de France. Il faudrait beaucoup plus temps (1 à 2 ½ mois) pour débarquer 100.000 hommes à Anvers.
Sur mon objection qu'il était inutile d'attendre l'achèvement du débarquement pour commencer les transports par chemin de fer, et qu'il valait mieux les aire au fur et à mesure des arrivages à la côte, le lieutenant-colonel Barnardiston me fournit des données exactes sur l'état journalier de débarquement.
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Quant aux prestations militaires, je fis part à mon interlocuteur que cette question serait facilement réglée.
A mesure quel es études de l'état-major anglais avançaient, les données du problème se précisaient. Le colonel m'assura que la moitié de l'armée anglaise pourrait être débarquée en 8 jours, et que le restant le serait à fin du 12e ou 13e jour, sauf l'infanterie montée, sur laquelle il ne fallait compter que plus tard.
Néanmoins, je crus devoir insister à nouveau sur la nécessité de connaitre le rendement journalier, de façon à régler les transports par chemin de fer de chaque jours [sic].
L'attaché militaire anglais m'entretint ensuit de diverses autres questions, savoir:
1° nécessité de tenir le secret des opérations et d'obtenir de la presse qu'elle l'observât soigneusement;
2° avantages qu'il y aurait à adjoindre un officier belge à chaque état-major anglais, un traducteur à chaque commandant de troupes, des gendarmes à chaque unité pour aider les troupes de police anglaises.
Dans une autre entrevue, le lieutenant-colonel Barnardiston et moi examinâmes les opérations combinées dans le cas d'une guerre agressive de la part de l'Allemagne ayant comme objectif Anvers, et dans l'hypothèse d'une traversée de notre pays pour atteindre les Ardennes françaises.
Par la suite, le colonel me marqua son accord sur le plan que je lui avais présenté et m'assura de l'assentiment du général Grierson, chef de l'état-major anglais.
D'autres questions secondaires furent également réglées, notamment en ce qui regarde les officiers intermédiaires, les traducteurs, les gendarmes, les cartes, les albums des uniformes, les tirés à part traduits en anglais de certains règlements belges, le règlement des frais de douane pour les approvisionnements anglais, l'hospitalisation des blessés de l'armée alliée, etc. Rien ne fut arrêté quant à l'action que pourrait exercer sur la presse le gouvernement ou l'autorité militaire.
Dans les dernières rencontres que j'ai eues avec l'attaché anglais, il me communiqua le rendement journalier des débarquements à Boulogne, Calais et Cherbourg. L'éloignement de ce dernier point, inspiré par des considérations d'ordre technique, occasionne un certain retard. Le 1er corps serait débarqué le 10e jour, et le IIe corps le 15e jour. Notre matériel des chemins de fer exécuterait les transports, de sorte que l'arrivée, soit vers Bruxelles-Louvain, soit vers Namur-Dinant, du 1er corps, serait assurée le 11e jour, et celle du IIe corps, le 16e jour.
J'ai insisté une dernière fois, et aussi énergiquement que je le pouvais, sur la nécessité de hâter encore les transports maritimes, de façon quel es troupes anglaises soient près de nous entre le 11e et le 12e jour; les résultats les plus heureux, les plus favorables, peuvent être obtenus par une action convergente et simultanée des forces alliées. Au contraire, ce sera un échec grave si cet accord ne se produit pas. Le colonel Barnardiston m'a assuré que tout serait fait dans ce but.
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Au cours de nos entretiens, j'eus l'occasion de convaincre l'attaché militaire anglais de la volonté que nous avions d'entraver, dans la limite du possible, les mouvements de l'ennemi et de ne pas nous réfugier, dès le début, dans Anvers.
De son côté, le lieutenant-colonel Barnardiston me fit part de son peu de confiance actuellement dans l'appui ou l'intervention de la Hollande. Il me confia également que son Gouvernement projetait de transporter la base d'opérations anglaise [sic] de la côte français [sic] à Anvers, dès que la mer du Nord serait nettoyée de tous les navires de guerre allemands.
Dans tous nos entretiens, le colonel me communiqua régulièrement les renseignements confidentiels qu'il possédait sur L'état militaire et la situation de nos voisins de l'Est. En même temps, il insista sur la nécessité impérieuse pour la Belgique de se tenir au courant de ce qui se passait dans les pays rhénans qui nous avoisinent. Je dus lui confesser que, chez nous, le service de surveillance au-delà de la frontière, en temps de paix, ne relève pas directement de notre état-major; nous n'avons pas d'attachés militaires auprès de nos légations. Je me gardai bien, cependant, de lui avouer que j'ignorais si le service d'espionnage, qui est prescrit par nos règlements, était ou non préparé. Mais il est de mon devoir de signaler ici cette situation qui nous met en état d'infériorité flagrante vis-à-vis de nos voisins, nos ennemis éventuels.
Le général-major chef du corps d'état-major.
Signature.
Note.
Lorsque je rencontrai le général Grierson à Compiègne, pendant les manœuvres de 1906, il m'assura que la réorganisation de l'armée anglaise aurait pour résultat, non-seulement d'assurer le débarquement de 150.000 hommes, mais de permettre leur action dans un délai plus court que celui dont il est question précédemment.
Fin septembre 1906. Signature.
Une autre note, écrite en marge du rapport précédent, port la mention suivante: "L'entrée des Anglais en Belgique ne se ferait qu'après la violation de notre neutralité par l'Allemagne." La signification de cette dernière phrase ressort avec clarté d'un autre document trouvé au Ministère des Affaires étrangères de Belgique et concernant une conversation entre le lieutenant-colonel Bridges, attaché militaire anglais à Bruxelles et successeur du lieutenant-colonel Barnardiston, et le général Jungbluth, chef d'état-major général belge. Ce document, daté du 23 avril, remonte selon toute probabilité à 1912; il est de la main du compte von der Straaten, directeur au Ministère belge des Affaires étrangères, et porte la mention: "Confidentielle".
Note Confidentielle (Texte français).
"Confidentielle.
L'Attaché militaire anglais a demandé à voir le général Jungbluth. Ces Messieurs se son rencontrés le 23 avril.
Le lieutenant-colonel Bridges a dit au Général que l'Angleterre disposait d'une armée pouvant être envoyée sur le continent, composée de six divisions
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d'infanterie et de huit brigades de cavalerie – en tout 160.000 hommes. Elle a aussi tout ce qu'il faut pour défendre son territoire insulaire. Tout est prêt.
Le Gouvernement britannique, lors des derniers événements, aurait débarqué immédiatement chez nous, même si nous n'avions pas demandé de secours.
Le général a objecté qu'il faudrait pour cela notre consentement.
L'Attaché militaire a répondu qu'il le savait, mais que comme nous n'étions pas à même d'empêcher les Allemands de passer chez nous, l'Angleterre aurait débarqué ses troupes en Belgique en tout état de cause.
Quant au lieu de débarquement, l'Attaché militaire n'a pas précisé; il a dit que la côte était assez longue, mais le général sait que M. Bridges a fait, d'Ostende, des visites journalières à Zeebrugge pendant les fêtes de Pâques.
Le général a ajouté que nous étions d'ailleurs parfaitement à même d'empêcher les Allemands de passer."
On trouve ici, directement exprimée, l'intention du Gouvernement anglais d'entrer immédiatement en Belgique avec des troupes en cas de guerre franco-allemande, par conséquent de violer la neutralité belge et de faire justement ce qu'il a pris comme prétexte pour déclarer la guerre à l'Allemagne, alors que celle-ci, agissant en légitime défense, a prévenu le coup dont elle était menacée. Avec un cynisme sans exemple, le Gouvernement britannique a exploité la prétendue violation de la neutralité belge par l'Allemagne, pour exciter le monde entier contre nous, et se parer du titre de protecteur des petites puissances et des États faibles. Quant au Gouvernement belge, son devoir était non-seulement de repousser avec la dernière énergie les insinuations anglaises, mais encore d'informer les puissances, signataires du protocole de 1839, en particulier le Gouvernement allemand, des tentatives réitérées de l'Angleterre pour détourner la Belgique de son rôle de neutralité. Le Gouvernement belge, loin d'agir ainsi, s'est cru autorisé et obligé à prendre, de concert avec l'état-major anglais, des mesures militaires de défense contre une prétendue invasion projetée par l'Allemagne. En revanche, jamais il n'a fait la moindre démarche pour s'entendre avec le Gouvernement allemand ou avec les autorités militaires allemandes compétentes, au sujet de l'éventualité d'une entrée des troupes anglo-françaises en Belgique, bien qu'il eût parfaitement connaissance de cette intention, comme le prouvent les documents trouvés. Le Gouvernement belge était donc bien résolu d'avance à se joindre aux ennemis de l'Allemagne et à faire cause commune avec eux.
Nos ennemis ayant adopté un système de calomnies comportant la négation pure et simple de tous les faits incommodes, le Gouvernement impérial a publié les fac-similés des documents cités plus haut et en a donné connaissance aux Gouvernements des États neutres.

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Conventions anglo-belges
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Confidentielle
Lettre à M.r le Ministre au sujet des entretiens confidentiels
Bruxelles, le 10 avril 1906
M.r le Ministre,
J'ai l'honneur de vous rendre compte sommairement des entretiens que j'ai eus avec le L.-C. Barnardiston et qui on fait déjà l'objet de mes communications verbales.
La première visite date de la mi-janvier. M.r Barnardiston me fit part des préoccupations de l'état-major de son pays relativement à la situation politique générale et aux éventualités de guerre du moment. Un envoi de troupes, d'un total de 100.000 hommes environ, était projeté pour le cas où la Belgique serait attaquée.
Le L.-Col. m'ayant demandé comment cette action serait interprétée par nous, je lui répondis que, au point de vue militaire, elle ne pourrait qu'être favorable; mais que cette question d'intervention [relevait] <relevait> également du domaine <pouvoir> politique et que, dès lors, j'étais tenu d'en entretenir le Ministre de la guerre.
M.r Barnardiston me répondit que son ministre à Bruxelles en parlerait à notre Min. des Aff. étr.
Il continua dans ce sens: Le débarq.t des [ein Wort unlesbar] troupes <anglaises> se ferait sur la côte de France, vers Dunkerque et Calais, de façon à hâter le plus possible le mouvement. <L'entrée des Anglais en Belgique ne se ferait qu'après la violation de notre neutralité par l'Allemagne.> Le débarqu.t par Anvers demanderait beaucoup plus de temps, parce qu'il faudrait [disposer] des transports plus considérables et, que <d'autre part,> la sécurité serait moins complète.
Ceci admis, il resterait à régler divers autres points, savoir: les transports par ch. de fer, la question des réquisitions auxquelles l'armée anglaise pourrait avoir recours, la question du commandement Sup.r des forces alliées.
Il s'informa si, durant la treversée ou le transport nos dispositions étaient [ein Wort unlesbar] suffisantes pour assurer la défense du pays durant la traversée et les transports des troupes anglaises, qu' temps qu'il évaluait à une dizaine de jours.
Je répondis que les places de Namur et de Liège étaient à l'abri d'un coup de main et que, en 4 jours, notre armée de campagne, forte de 100.000 hommes, serait en état d'intervenir.
ce qui lui donna complètprouve que
A. Mr. le Ministre de la guerre
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En me quittante, <Après avoir exprimé toute sa satisfaction au sujet de mes déclarations,> mon interlocuteur insista sur le fait que: 1º) notre conversation était absolument confid.le; 2º) elle ne pouvait lier son gouv.t; 3º) son ministre, l'E. M. Gén.ale anglais, lui et moi, étions seuls, en ce moment, dans la confidence; 4º) il ignorait si son souverain avait été pressenti.
Dans un entretien subséquent, le L.-C. Barnardiston m'assura qu'il n'avait jamais reçu de confidences d'autres attachés mil.res au sujet de notre [état mil.r ] <armée>. Il précisa ensuite les données numériques concernant les forces anglaises; nous pouvions compter que, en 12 ou 13 jours, seraient débarqués: 2 corps d'armée, 4 brig. de cav.ie et 2 brig. d'inf.ie montée.
Il me demanda d'examiner la question du transport de ces forces vers la partie du pays où elles seraient utiles et, dans ce but, il me promit la composition détaillée de débarq.t.
Il revint sur la question des eff. de notre armée de campagne en insistant pour qu'on ne fit pas de détach. de cette armée à Namur et à Liége puisque ces places étaient pourvues de garnisons suffisantes.
Il me demanda de fixer mon attention sur la nécessité de permettre à l'armée anglaise de bénéficier des avantages prévus par le Règl.t sur les prestations mil.res. Enfin, il insista sur la question du commandement suprême.
Je lui répondis que je ne pouvais rien répondre <dire> quant à ce dernier point, et je lui promis un examen attentif des autres questions.
Plus tard, l'attaché mil.re anglais confirma son estimation précédente: 12 jours seraient au moins indispensables pour faire le débarquement sur la côte de France. Il faudrait beaucoup plus (1 à 2 ½ mois) pour débarquer 100.000 h.s à Anvers.
Sur mon objection qu'il était inutile d'attendre l'achèvement du débarq. pour commencer les transports par ch. de fer, et qu'il valait mieux les aire au fur et à mesure des arrivages à la côte, le L.-C. Barnardiston me fournit des données exactes sur l'état journalier de débarq.t.
Quant aux prestations mil.res, je fis part à mon interlocuteur que bien que le Regl.t fût   [ein Wort unlesbar] pour les prestations à des troupes alliées cette question serait facilement réglée.
A mesure quel es études de l'état-major anglais avançaient, les données du probl. se précisaient. Le Colonel m'assura que <la moitié de> l'armée anglaise pourrait être débarquée en 8 jours, et <que> le restant le serait à fin du 12e ou 13e jour, sauf l'inf.ie montée, sur laquelle il ne fallait compter que plus tard.
Néanmoins, je crus devoir insister à nouveau sur la nécessité de connaitre le rendement jour<nalier> jour pour, de façon à régler les transports journaliers par ch. de fer de jour pour <chaque> jour.
45bisv

L'attaché anglais m'entretint ensuit de diverses autres questions, savoir:
1°) nécessité de tenir le secret des opér.ons et d'obtenir de la presse qu'elle l'observât soigneusement;
2°) avantages qu'il y aurait à adjoindre un off. belge à chaque état-major anglais, un traducteur à chaque commandant de troupes, des gendarmes à chaque unité pour aider les troupes de police anglaises.
Dans une autre entrevue, le L.-C. Barnardiston et moi examinâmes les opérations combinées dans le cas d'une agression de la part de l'Allemagne ayant comme objectif Anvers, et dans l'hypothèse d'une traversée de notre pays pour atteindre les Ardennes françaises.
Par la suite, le Colonel me marqua son accord sur le plan que je lui avais présenté et m'assura de l'assentiment du Gén.al Grierson, chef de l'E. M. anglais.
D'autres questions secondaires furent également réglées, notamment en ce qui regarde les off. intermédiaires, les traducteurs, les gendarmes, les cartes, les albums des uniformes, les tirés à part traduits en anglais de certains règl.ts belges, le règl.t des frais de douane pour les approvisionnements anglais, l'hospitalisation des blessés de l'armée alliée, etc. <Rien ne fut arrêté quant à l'action que pourrait exercer sur la presse le gouv.t ou l'autorité mil.re.>
Dans les dernières rencontres que j'ai eues avec l'attaché anglais, il me communiqua le rendement journalier des débarquements à Boulogne, Calais et Cherbourg. L'éloignement de ce dernier point, inspiré par des considérations d'ordre technique, retarde occasionne un certain retard. Le Ier C. serait débarqué le 10e jour, et le IIe C. le 15e jour. Notre matériel des ch. de fer exécuterait les transports, de sorte que l'arrivée, soit vers Bruxelles-Louvain, soit vers Namur-Dinant, du 1er Corps, [2 Wörter unlesbar] serait assurée le 11e jour, et <celle> du IIe Corps, le 16e jour.
J'ai insisté une dernière fois, et aussi énerg.t que je le pouvais, sur la nécessité de hâter encore les transports maritimes, de façon que les troupes anglaises soient près de nous entre le 11e et le 12e jour; les résultats les plus heureux, les plus favorables, peuvent être obtenus par une action convergente et simultanée des forces alliées. Au contraire, ce sera un échec grave si cet accord ne se produit pas. Le Col. Barnardiston m'a assuré que tout serait fait dans ce but.
Au cours de nos entretiens, j'eus l'occasion d'annoncer au <de convaincre> l'attaché mil.re anglais que de <de> la volonté que nous avions d'entraver, dans la limite du possible, les mouv.ts de l'ennemi et de ne pas nous réfugier, dès le début, dans Anvers.
De son côté, le L.-C. Barnardiston me fit part de son peu de confiance <actuellement> dans l'appui ou l'intervention de la Hollande. Il me confia également que son gouv.t projetait de transporter
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<la base d'approv.t anglaise> de la côte française à Anvers, dès que la mer du Nord serait nettoyée de tous les navires de guerre allemands.
Dans tous nos entretiens, le Colonel me fit [part des] <communiqua régulièrement les> renseignements confidentiels qu'il possédait sur l'état garnisons ennemies, de la situation de l'armement, de la <mil.re et la situation de nos voisins de l'Est> etc. En même temps, il insista sur la nécessité impérieuse pour la Belg. de se tenir au courant de ce qui se passait dans les pays rhénans qui nous avoisinent. Je dus lui confesser que, chez nous, le service de surveillance au delà de la frontière, en temps de paix, ne relève pas directement de notre état-major; que nous n'avons pas, comme l'Angleterre et les autres Etates militaires, d'attachés mil.res auprès de nos légations. Je me gardai bien, cependant, de lui avouer que j'ignorais si le service d'espionnage, qui cependant est prescrit par nos règl.ts, était ou non préparé. Mais il est de mon devoir de signaler ici cette situation qui nous met en état d'infériorité flagrante vis-à-vis de nos voisins, nos ennemis éventuels.
Le G.al major, chef du Corps d'E. M.
[Namenszeichen des Generalmajors Ducarme]
Note.
Lorsque je rencontrai le Général Grierson à Compiègne, pendant les manœuvres de 1906, il m'assura que la réorg.on de l'armée anglaise aurait pour résultat, non-seulement d'assurer le débarq.t de 150.000 h.s, mais de permettre leur action dans un délai plus court que celui dont il est question précéd.t.
Fin sept.bre 1906
[Namenszeichen des Generalmajors Ducarme]
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<Confidentielle>1
La note du 23 avril, probablement de 1912.

L'Attaché militaire anglais a demandé à voir le Général Jungbluth. Ces Messieurs se sont rencontrés le 23 avril.
Le Lieutenant Colonel Bridges a dit au Général que l'Angleterre disposait d'une armée pouvant être envoyée sur le continent, composée de six division d'infanterie et de huit brigades de cavalerie – en tout 160.000 hommes.
Elle a aussi tout ce qu'il lui faut pour défendre son territoire insulaire. Tout est prêt.
Le Gouvernement britannique, lors des derniers événements, aurait débarqué immédiatement chez nous, même si nous n'avions pas demandé de secours.
Le Général a objecté qu'il faudrait pour cela notre consentement.
L'Attaché militaire a répondu qu'il le savait, mais que comme nous n'étions pas à même d'empêcher les Allemandes de passer chez nous, l'Angleterre aurait débarqué ses troupes en Belgique en tout état de cause.
Quant au lieu de débarquement, l'Attaché militaire n'a pas précisé; il a dit que la côte était assez longue, mais le Général sait que M. Bridges a fait, d'Ostende des visites journalières à Zeebrugge pendant les fêtes de Pâques.
Le Général a ajouté que nous étions, <d'ailleurs>2 parfaitement à même d'empêcher les Allemands de passer.

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Le rapport du baron Greindl, longtemps ministre belge à Berlin, au Ministre des Affaires étrangères de Belgique, en date du 23 décembre 1911, dont il a été publié des extraits en son temps, n'a été reproduit en fac-similé que partiellement – une partie de la première page – en raison de sa grande longueur. Ce document, trouvé également à Bruxelles, n'est qu'une copie de l'original. Son caractère officiel ressort clairement toutefois de l'en-tète de la feuille de papier employée pour la copie.

Copie
Berlin, le 23 décembre 1918
Légation de Belgique
Nº. 3022/1626
Très Confidentielle
Que fera la Belgique en cas de guerre?
Monsieur le Ministre
J'ai eu l'honneur de recevoir la dépêche du 27 novembre dernier, P* sans numéro de dossier, nº. d'ordre 1108.3

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10. Espionnage anglais à Bruxelles.
Gazette de l'Allemagne du Nord, 6 novembre 1914
E. M. de l'Armée Anglaise
Je soussigné Dale Long, attaché à l'E. M. réquisitions

Un paquet entier des formulaires ci-dessus a été trouvé dans le bureau de l'office central anglais d'espionnage à Bruxelles. Longtemps déjà avant la guerre, on connaissait la présence à Bruxelles d'un certain Dale Long, pratiquant l'espionnage contre l'Allemagne pour le compte de l'Angleterre. On parvint même à traduire en justice un certain nombre de ses agents, mais sans jamais pouvoir établir cependant d'une manière certaine si Dale Long appartenait à l'état-major anglais. Le formulaire trouvé a toutefois permis de constater qu'en cas de guerre, Dale Long devait rejoindre l'état-major anglais, qu'en sa qualité de membre de l'armée anglaise, il était autorisé à faire des réquisitions en Belgique, et que cette autorisation était légalisée par l'ambassade anglaise à Bruxelles, comme le cachet en fait foi. L'existence d'un tas énorme de ces formulaires en blanc prouve en outre indubitablement qu'il s'agit ici d'une mesure de mobilisation, absolument inimaginable sans la complicité du Gouvernement belge.

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11. Nouveaux Documents sur la violation de la neutralité par l'Angleterre.
Gazette de l'Alle magne du Nord du 2 décembre 1914.
Chaque jour apporte une preuve nouvelle que l'Angleterre, de concert avec la Belgique, a préparé dès le temps de paix, jusque dans les moindres détails, la guerre contre l'Allemagne, non-seulement par sa diplomatie, mais encore par des mesures militaires. Nos troupes se sont emparées dernièrement de manuels militaires confidentiels sur les routes et sur les rivières de la Belgique, publiés par les soins de l'état-major anglais. (Belgium Road and River Reports prepared by the General Staff, Ware Office.) Nous avons devant les yeux quatre volumes de ces manuels: le premier volume date déjà de 1912, le second, de 1913, le troisième (en deux parties) et le quatrième, de 1914. Ils portent la mention: "Confidentiel. … Ce livre est la propriété du Gouvernement britannique et est destiné aux informations personnelles …, qui est personnellement responsable de la conservation du livre en lieu sûr. Le contenu ne peut être communiqué qu'à des personnes autorisées."
Les manuels contiennent les plus exactes descriptions du pays, établies d'après des reconnaissances militaires. On lit dans l'introduction: "Ces rapports ne peuvent qu'indiquer l'état des routes tel qu'il était à l'époque où les reconnaissances ont eu lieu. On fera toujours bien de s'informer avant de faire usage du manuel, si les routes ne sont pas barrées par des réparations, par la pose de tuyaux, etc."
Dans le premier volume par exemple, à la page 130 et suivantes, la grande route Nieuport-Dixmuide-Ypres-Menin-Tourcoing-Tournay est décrite en détail: la viabilité, les considérations tactiques, les postes d'observation, l'hydrographie, y font l'objet d'une étude complétée par une carte. Les localités situées le long de la route sont énumérées et décrites. Nous trouvons la distance qui les sépare les unes des autres et des renseignements détaillés sur le réseau routier: côtes, ponts, croisements de chemins, bureaux de téléphone et de télégraphe, stations de chemin de fer avec la longueur des quais et des rampes, les chemins de fer à voie étroite, les dépôts de pétrole, etc. Il est constamment indiqué si la population entière ou seulement une partie parle français.
Citons textuellement, pour en donner un exemple, les réflexions tactiques sur Dixmuide, page 151 du manuel: "Dixmuide est difficile à prendre par le nord ou par le sud. La meilleure position défensive vers le sud serait, à l'ouest de la route et jusqu'a la route, le remblai du chemin de fer; à l'est de la route, une série de petites collines. A l'ouest de la route, on a un bon champ de tir sur une distance de 1,500 yards; à l'est, la vue est obstruée par des arbres. Deux bataillons suffiraient à occuper la position. Selon toute probabilité, l'artillerie ennemie s'établirait auprès de Hoogmolen et de Veartkant. Autrement, il n'existe là absolument rien d'important au pont de vue tactique, ni rien qui
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soit susceptible de ralentir l'allure de marche. Postes d'observation: le moulin de Reencheek, d'où l'on embrasse librement tout le pays alentour, et le Koelberg, à 7.5 milles d'Ypres, avec vues ver l'est et vers le sud." Il est à remarquer qu'en général, les clochers sont indiqués comme postes d'observation favorables.
Tout le cours de l'Escaut est décrit avec la même exactitude et les mêmes détails: on y trouve mention de tous les affluents, des localités, des points propices de débarquement et de passage, des largeurs et des profondeurs, des ponts, des ressources en bateaux, etc.
Les manuels, d'un format commode, constituent donc un excellent guide pour le général, pour l'officier d'état-major et pour les chefs subalternes de tout grade.
Un supplément indique:
1º. Les communes et les villages classés d'après leurs facilités de cantonnement, avec les chiffres des effectifs à y loger, les moyens de transport disponibles et tous les autres renseignements nécessaires à un commandant local;
2º. une nomenclature de tous les indices importants pour les aviateurs dans la partie de la Belgique située au sud de la ligne Charleroi-Namur-Liège, ainsi que pour les environs de Bruxelles.
Ce petit livre, rédigé avec un soin et une conception pratique remarquables, est complété par une carte des points de débarquement; il porte la mention: "Confidentiel", et date du mois de juillet 1914.
Ces manuels de géographie militaire n'ont pas été composés quelque temps seulement avant la guerre ni pendant la guerre. C'eût été là chose irréalisable, en ne tenant pas compte de la date de l'impression. Les documents proviennent de reconnaissances diverses exécutées depuis  1909, ainsi que l'indiquent les remarques sur les différentes matières. Le premier volume fut imprimé en 1912.
Les manuels en question démontrent jusqu'à l'évidence que, depuis 5 ans, la campagne dans la Belgique neutre est préparée dans tous ses moindres détails. Ce sont ni plus ni moins des instructions secrètes pour la conduite d'une armée anglaise opérant dans ce pays. L'état-major général anglais s'est donne depuis très longtemps occupé de cette éventualité et l'a prévue avec tant de certitude qu'il a procédé au travail pénible de composition de ces manuels militaires.
Une pareille préparation coût été naturellement impossible sans la connivence la plus large du Gouvernement et des autorités militaires belges. Comment pourrait-on en effet se procurer autrement une série aussi complète de renseignements stratégiques et tactiques, des données aussi précises sur tous les chemins de fer et les moyens de communication, sur le matériel roulant, sur les écluses et sur les ponts? Les listes indiquant les ressources des diverses localités de la Belgique pour le cantonnement des troupes, comme s'il s'agissait de l'Angleterre elle-même, ne peuvent provenir uniquement que du Gouvernement belge. Les documents officiels belges ont servi à la rédaction des ces manuels, le fait est incontestable. On les a adaptés au but désirée, ou même, à beaucoup d'endroits, on les a simplement traduits en anglais.
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Ainsi, en pleine paix, l'Angleterre et la Belgique avaient déjà combiné dans tous ses détails un plan commun d'opérations militaires. Ainsi, la Belgique n'était autre chose que le vassal politique et militaire de la Grande-Bretagne. L'indignation que témoigne actuellement l'Angleterre, en flétrissant aux yeux du monde la prétendue violation de la neutralité belge par l'Allemagne, est réduite à néant, devient absolument injustifiable, grâce aux documents ci-dessus. Si quelqu'un a le droit de s'indigner, c'est nous!
Nos opérations sur la côte ont fourni à la presse française et anglaise un sujet de railleries, car, disaient ces journaux, nous ignorions les dangers de la région d'inondations qu'on appelle le Polderland. Ces reproches étaient justifiés en effet, car, au début de la guerre, nous connaissions du territoire de la Belgique tout juste ce que chacun peut en savoir par les ouvrages en vent dans le commerce.
Aussi les renseignements de source anglaise et les excellentes cartes qui les accompagnent n'en ont été que plus précieux pour nous. Nous avons pu les utiliser pour notre usage et combattre ainsi l'Angleterre avec ses propres armes. Grâce soit rendue à nos ennemis pour le travail long et consciencieux dont ils nous font profiter!

12.  Preuves de culpabilité.
Gazette de l'Allemagne du Nord du 15 décembre 1914.
Trouvées sur M. Grant-Watson, secrétaire de la Légation d'Angleterre à Bruxelles.
Les preuves de la complicité anglo-belge viennent de s'augmenter d'un nouveau document, et non le moins écrasant de tous. On a arrêté, il y a quelque temps, à Bruxelles le secrétaire de la Légation d'Angleterre Grant-Watson, resté à l'hôtel de la légation après le transfert de celle-ci à Anvers d'abord, et plus tard au Havre. Ce Monsieur a été surpris dernièrement au moment où il cherchait à faire disparaître des pièces qu'il avait pu emporter sur lui en cachette au moment de son arrestation. L'examen de ces pièces a prouvé qu'il s'agissait de documents d'une nature absolument confidenti e lle sur la mobilisation belge et sur la défense d'Anvers, en date des années 1913 et 1914. On y trouve une circulaire adressée à tous les généraux belges pourvus d'un haut commandement, avec les fac-similés des signatures du Ministre de la guerre de Belgique et du chef d'état-major de l'armée belge. Puis un avis concernant une séance de la "Commission pour la base d'approvisionnement à Anvers", du 27 mai 1913. La présence de ces pièces à la légation anglaise ne permet plus de douter un seul instant d'un fait désormais bien établi: le Gouvernement belge n'avait pas de secret sur toutes les questions militaires pour le Gouvernement britannique, et même les deux Gouvernements n'ont jamais cessé de demeurer étroitement d'accord à cet égard.
Une note manuscrite, trouvée parmi les papiers en question, et que le secrétaire de la Légation d'Angleterre s'efforçait de détruire, mérite également le plus haut intérêt. En voici la teneur:
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Renseignements.
1º. Les officiers français ont reçu ordre de rejoindre dès le 27 après-midi;
2º. Le même jour, le chef de gare de Feignies a reçu ordre de concentrer vers Maubeuge tous les wagons fermés disponibles, en vue de transport de troupes.
Communiqué par la brigade de gendarmerie de Frameries.

Il importe de remarquer que Feignies est une station de la ligne Maubeuge-Mons, située en France à 3 kilomètres environ de la frontière belge. Frameries est sur la même ligne, mais en Belgique, à 10 kilomètres de la frontière française.
La note ci-dessus indique donc que dès le 27 juillet, la France a pris ses premières mesures de mobilisation, et que la Légation d'Angleterre en a été immédiatement informée par les soins du Gouvernement belge.
S'il était encore besoin de preuves nouvelles des relations existant entre l'Angleterre et la Belgique, les documents trouvés leur fourniraient un complément précieux. Il est établi une fois de plus en effet que la Belgique à sacrifié sa neutralité en faveur de la Triple entente et qu'elle est devenue par là un membre actif de la coalition formée contre l'Empire allemand. Mais pour l'Angleterre, la neutralité belge ne signifiait en réalité rien autre chose qu'un "scrap of paper" destiné a lui servir dès qu'elle y trouverait son intérêt et à être mis solennellement en avant selon les besoins du moment. Il est manifeste que la violation prétendue de la neutralité belge par l'Allemagne a servi tout bonnement de prétexte à l'Angleterre pour donner, aux yeux du monde et devant le peuple anglais, un semblant de légalité à la guerre préméditée contre nous.
1Hds. eingefügt von unbekannter Hand, vermutlich vom Absender.
2Hds. eingefügt von unbekannter Hand, vermutlich vom Absender.
3"Copie … d'ordre 1108" hds. eingefügt von unbekannter Hand, vermutlich vom Absender.
Empfohlene Zitierweise
Anlage vom vor dem 30. Dezember 1917, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 8610, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/8610. Letzter Zugriff am: 02.05.2024.
Online seit 24.03.2010, letzte Änderung am 10.03.2014.