Dokument-Nr. 11013

[Moltke-Huitfeldt, Leon Albin Gebhardt Graf von]: Mémoire, vor dem 10. Oktober 1921

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Le Traité de Versailles a amené de grands changements dans la vie politique du Territoire de la Sarre. Durant 15 ans il restera provisoirement séparé de l'Allemagne. Ce délai passé a population sera appelée à faire connaître sa volonté sur les trois alternatives suivantes: retour à l'Allemagne; union à la France ou création d'un état indépendant.
Pour sauvegarder les intérêts religieux et ne pas les exposer à être gravement lésés, il serait nécessaire que l'administration ecclésiastique tint compte des modifications politiques introduites par le Traité de Versailles. A cet effet il est de toute urgence de doter le Territoire de la Sarre d'une administration ecclésiastique qui lui soit personnelle et que dirigeait un délégué apostolique.
Les raisons qui parlent en faveur de la création d'un vicariat apostolique sont à la fois dictées par des intérêts religieux, sociaux et politiques.
I° Considérations d'ordre religieux.
Le Territoire de la Sarre fait actuellement partie des diocèses de Trèves et de Spire. D'après les données statistiques les plus récentes, il compte environ 475.000 habitants catholiques. Or, il est évident qu'au point de vue ecclésiastique et dans les circonstances actuelles il y a intérêt à gérer isolement un diocèse qui va se trouver dans des conditions exceptionnelles.
Une autorité ecclésiastique ayant son siège dans le
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Territoire de la Sarre est plus à même de voir et de suivre, journellement pour ainsi dire, l'activité du clergé qu'une autorité ayant son siège hors du Territoire de la Sarre et qui ne connaîtra ce qui s'y passe que par des rapports plus ou moins fidèles.
Il est utile que pour remplir la mission importante dont il est chargé et dont la responsabilité est devenue plus lourde encore le clergé sarrois puisse avoir l'unité d'action et de direction qui lui fait défaut en ce moment puisqu'il se trouve à la fois sous la juridiction des évêchés de Trèves et de Spire, sont il reçoit les instructions. Ce dualisme exerce parfois une influence fâcheuse sur la marche des affaires ecclésiastiques, surtout lorsqu'il s'agit de prendre des mesures homogènes ou rapides.
Il semble qu'un délégué apostolique rendrait à cet effet les services les plus signalés. Dans toutes les questions importantes, il prendrait les décisions nécessaires, il stimulerait les membres du clergé, il centraliserait l'administration ecclésiastique. Ses décisions auraient plus d'autorité tant vis-à-vis du peuple qu'à l'égard du Gouvernement.
Actuellement, la visite épiscopale des paroisses se fait tous les quatre ans. Un vicaire apostolique, résidant dans la Sarre, aurait plus de temps à sa disposition et pourrait plus facilement se rendre compte de la situation par son intervention personnelle. De plus il serait de toute importance qu'un évêque, ou un délégué apostolique ayant rang d'un évêque, visitât parfois les écoles. Une activité aussi intense ne saurait
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être développée par l'autorité ecclésiastique ayant son siège à Trèves et à Spire parce qu'elle n'en a pas le loisir.
Le contact direct continuel et pour ainsi dire familier avec les fidèles de l'autorité nommée par le Saint Siège est seule capable d'une action vigoureuse sur eux et en particulier sur le monde des intellectuels. Ce contact direct est devenu impossible à l'évêché de Trèves et de Spire dans les conditions où les a mis le Traité de Versailles. Il sera plus utile encore dans les nombreux cas où il faut intéresser les fonctionnaires à la grande cause de l'Eglise, et l'on peut même espérer qu'il aura sur ceux d'entre eux qui sont indifférents et même hostiles aux choses religieuses, une heureuse influence que seul, il sera à même d'exercer.
II° Considérations d'ordre social
Contrairement au reste du diocèse de Trèves, le Territoire de la Sarre forme presque un tout. Cela explique que le Territoire de la Sarre soit le théâtre d'une lutte ardente entre une population avant tout ouvrière et par conséquent socialiste dans l'ensemble et les éléments catholiques, qui risquent fort d'être mis en échec s'ils obéissent à une juridiction relativement lointaine et habituée par son expérience personnelle à examiner ces problèmes sous un jour plus optimiste.
La social-démocratie, on le sait, a son centre d'activité à Berlin; or, la cause catholique dans la Sarre a le plus haut intérêt à ce que les attaches qui relient la social-démocratie avec Berlin soient rompues. Cette fin pourrait être obtenue par la présence et par l''intervention d'un délégué apostolique. Les autori-
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tés ecclésiastiques de Trèves et de Spire ont des égards à prendre vis-à-vis du Gouvernement de Berlin dans lequel le parti socialiste est puissamment représenté. Ils ne peuvent pas agir dans le sens indiqué, à moins de compromettre gravement les intérêts de la cause catholique en Allemagne.
III .° Considérations d'ordre politique
Les concessions et les droits accordés par l'encyclique "De salute animarum" à la Prusse sont, on ne le sait que trop bien, de la plus haute importance lors d'une élection épiscopale ou de la nomination des membres du chapitre.
Par le fait du Traité de Versailles, le Territoire de la Sarre est séparé pour une durée de 15 ans de l'Empire allemand. Les droits concédés par la Cour de Rome au Gouvernement de Berlin sont également en grande partie concédés au Gouvernement sarrois comme remplaçant temporaire du Gouvernement allemand.
Dans le cas où le siège épiscopal de Trèves deviendrait vacant, – ce que ne désirons nullement –, le Gouvernement sarrois se considère comme autorisés à donner son avis dans la nomination de ce successeur. De même le Gouvernement de la Sarre, en tant que détenteur légale des pouvoirs conférés par l'encyclique précitée a le droit de désigner et de nommer dans les moins impairs les chanoines aux postes vacants.
En appliquant ainsi dans les circonstances actuelles, les droits qui nous sont conférés en partie, il est à craindre que des compétitions, des différends même ne s'élèvent entre les Gouvernements respectifs. Or, toute cause de conflit et de divergence grave est arrêtée par la présence d'un délégué apostolique dans le Ter-
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ritoire de la Sarre.
Il y a encore une autre concession accordé par le Saint-Siège à la Cour de Berlin. Lors de l'abrogation des fameuses lois de mai, il a été concédé au Gouvernement de Berlin le pouvoir de s'opposer dans certains cas à la nomination de curés qui n'auraient pas son agrément. Cette faculté, le Gouvernement sarrois la possède également et l'applique avec l'assentiment du Saint-Siège.
Tout le monde reconnaîtra que la Commission du Gouvernement doit avant tout faire des droits qui lui sont conférés un usage qui demeure d'accord avec la volonté précise que la Société des Nations a manifestée en lui accordant sa confiance. Ainsi, elle a le droit d'empêcher que des personnes qui ne sont pas originaires de la Sarre et qui ne reconnaissent pas loyalement les clauses du Traité de Versailles, soient appelées à remplir des fonctions ecclésiastiques dans ce Territoire.
La Commission du Gouvernement e eu connaissance qu'un grand nombre des membres du clergé du Territoire de la Sarre a pris part aux menées agitatrices lancées contre le Gouvernement par le service de propagande dit "Heimatdienst" qui dispose de fonds considérables. Dans l'intérêt du maintien de la Paix et de l'ordre public, confié à la garde du Gouvernement de la Sarre, la participation de quelques membres du clergé à des menées anti-gouvernementales ne saurait être tolérée. Ils en résulteraient des conflits par lesquels les intérêts de l'Eglise pourraient être fortement compromis. La présence d'un délégué apostolique suffirait pour conjurer.
Un autre devoir non moins important qui incombe à la Commis-
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sion du Gouvernement du Territoire de la Sarre est de veiller avec soin à ce que le plébiscite qui aura lieu plus tard puisse se faire sans aucune contrainte. Seuls, les habitants de la Sarre, et non pas des agitateurs étrangers de quelque nation qu'ils soient, auront à se prononcer sur le sort définitif de leur pays. La Commission du Gouvernement a de plus le devoir d'empêcher que des organes ecclésiastiques qui n'ont pas leur résidence dans la Sarre s'immiscent à des questions qui regardent le plébiscite futur. Elle aurait eu du reste, à plusieurs reprises déjà, à se plaindre. Ainsi le vicaire général de Trèves n'a pas cru devoir tenir compte du fait que le Territoire de la Sarre se trouve sous l'administration de la Société des Nations: il a ordonné lors du plébiscite qui devait avoir lieu en Haute-Silésie des prières publiques pour tout le diocèse sans oublier le Territoire de la Sarre. Il a agi de même lors des élections à la diète prussienne, quoique la Sarre n'ait pas eu à y prendre part.
Autre cas: Mgr. Kaas, professeur du Grand Séminaire de Trèves, homme de confiance du Gouvernement de Berlin et membre du Parlement allemand, vient de faire à l'occasion du jubilé épiscopal de Mgr. L'Évêque de Trèves une allocution des plus déplacés aux diocésains sarrois, accourus dans cette ville épiscopale à cette circonstance. C'était une exhortation au sujet du plébiscite à venir.
La Commission du Gouvernement n'ignore pas non plus qu'il existe des relations secrètement entretenues par des agents étrangers avec le clergé sarrois. Néanmoins, le Gouvernement de la Sarre a cru devoir observer le silence dans l'espoir d'arriver à une
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entente sans employer des mesures coercitives.
La Commission du Gouvernement est d'avis qu'il n'y a d'autre moyen capable de lui faciliter sa tâche et de remplir sa mission à l'égard de la Société des Nations que par la création provisoire d'un vicariat apostolique pour le Territoire de la Sarre.
Aucune considération tirée du passé du Territoire de la Sarre ne saurait être contre ce projet et cela d'autant moins que la Sarre fit, durant des siècles, partie du diocèse de Metz.
Empfohlene Zitierweise
[Moltke-Huitfeldt, Leon Albin Gebhardt Graf von], Mémoire vom vor dem 10. Oktober 1921, Anlage, in: 'Kritische Online-Edition der Nuntiaturberichte Eugenio Pacellis (1917-1929)', Dokument Nr. 11013, URL: www.pacelli-edition.de/Dokument/11013. Letzter Zugriff am: 18.04.2024.
Online seit 14.05.2013, letzte Änderung am 27.03.2015.